John, jeune berger en couple avec Héloïse, passe cinq mois par an dans les alpages du Haut-Jura. Il apprend par hasard qu’Alexandre Perrin, un ami du lycée, vétérinaire et militant écologiste, a tué son voisin, un chasseur de 20 ans. Il quitte sa montagne et reprend contact avec Nadia, l’épouse d’Alexandre et ancienne camarade. Un triangle amoureux atypique s’installe avec la femme de son ancien coloc d’internat.

Comme votre personnage John, vous vous décrivez comme solitaire. Comment vivez-vous la sortie de votre livre ?
Pierric Bailly : « Je viens de passer deux ans dans ma grotte, loin de tout le monde pour l’écriture du roman. Je suis plutôt indépendant et solitaire et si j’écris, c’est que ça correspond à ce besoin. Là, je viens de commencer un petit tour de France des festivals littéraires pour présenter le livre. Je suis content de retrouver des gens que j’apprécie. Je suis vraiment rassuré par l’accueil réservé au livre.

Vous vivez entre Lyon et le Jura. Comment est-ce que la ville de Lyon influence votre écriture ?
Il y a un passage important du livre qui se déroule au tribunal de Lyon. Je voulais l’écrire du point de vue de quelqu’un qui n’a jamais assisté à un procès. C’était presque mon cas et j’ai fait plusieurs procès aux assises de Lyon. C’était un défi. Comme pour un reportage, j’étais attentif à mes réactions. Sinon, je marche beaucoup, le long des berges de Saône, notamment jusqu’à l’Île Barbe. Ce qui me plaît, c’est la présence des deux fleuves et ce côté aéré.

« Le roman, c’est l’antidote aux slogans »



La plupart de vos livres ont comme décor le Haut-Jura. Il y a un aspect proche de la littérature américaine des grands espaces. Quels auteurs vous ont inspiré?
Oui, vraiment, je viens en partie de cette littérature-là, celle du nature writing. Je pense à Mark Twain, Steinbeck ou encore Jack London. Le plus important, c’est probablement Jim Harrison. C’est un accompagnateur bienveillant pour moi. Il a une relation réelle avec la nature, quelque chose de physique et vécue. Il est dans un rapport ni angélique, ni destructeur, mais dans un rapport de respect. Et puis j’aime chez lui ces personnages masculins qui ne sont pas des machos.

Vos livres sont souvent sur la relation qu’un personnage entretient avec ses émotions. Votre narrateur, John, est un personnage taiseux. Comment faites-vous pour coller aux émotions ?
On est avec lui, dans ses pensées. C’est ce qui permet d’être aussi proche, au plus près des émotions. Il évoque ses souvenirs. Il est plutôt mélancolique. J’ai commencé par écrire des livres ou l’écriture était plus criarde, plus expérimentale. Là, c’est un livre qui fait une grande part au récit, c’est plus romanesque. C’est ma voix. Là où je suis le plus personnel aussi.

On a l’impression, en lisant votre livre, que les émotions sont aussi une manière pour vous de créer des personnages plus ambivalents ?
J’essaye de faire des personnages complexes et j’aime travailler sur les failles de mes personnages. Le roman permet une approche plus profonde. C’est l’antidote aux idéologies, aux slogans et aux idées toutes faites. 

Quand vous avez commencé votre livre, vous aviez votre point d’arrivée en tête ?
J’avais en tête la dernière phrase du roman. (spoiler, NDLR,) : « Je me lève. J’attends la foudre ». Une fin avec cet orage tonitruant. J’ai passé un an à mûrir cette intrigue. Je savais où j’allais, mais l’écriture doit réserver des surprises, sinon le roman ne vit pas. Il faut rester alerte à tout ce qui peut nourrir le roman.


Est-ce que comme votre héros, vous attendez le retour de la foudre ?
Moi, j’ai plutôt une vie posée qui me convient parfaitement. Je ne souhaite pas avoir une vie aussi tapageuse que John. La passion telle qu’il la vit, ça me fait peur. Je préfère la vivre par procuration à travers lui. Comme en ce moment pour mon prochain roman. »

La Foudre de Pierric Bailly aux éditions P.O.L. (465 pages, 24 €).