A la fin, elle dira que c’est « formi­dable« . « Formi­dable« , à la fin des passes, pour satis­faire ses clients, deve­nue pute à Paris. Ce n’est qu’un épisode de ce grand film baroque et déto­nant. Car en Bella, Emma Stone ose tout, la folie qui se lit dans ses yeux globu­leux, une danse fréné­tique d’an­tho­lo­gie qui revi­site le char­les­ton, ou faire des « bonds furieux » avec un Dom Juan infa­tué et puéril (Mark Ruffalo, lui aussi formi­dable). Jusqu’à une scène d’édu­ca­tion sexuelle hila­rante d’un bon français père de famille (Damien Bonnard), comp­tant jusqu’à quatre les coups qu’il donne à une pute devant ses enfants…

Willem Dafoe en Fran­ken­stein.

Du noir et blanc fabu­leux du Fran­ken­stein bala­fré de Willem Dafoe au suicide d’un pont de Londres qui ouvre le film en couleurs, le périple de Bela navigue en eaux troubles dans ce conte surréa­liste et sexuel, constam­ment surpre­nant. Fran­ken­stein crache des bulles aux formes parfaites entre deux opéra­tions. Et Yorgos Lanthi­mos retrouve le sens des rites de son plus beau film, Mise à mort du cerf sacré, le beau bizarre des jeux sexuels de The Lobs­ter, comme l’au­tar­cie fami­liale de son premier film, Canine. Un film somme, en somme.

Avec une maes­tria visuelle de chaque instant assu­mant l’ar­ti­fice du conte, de la fontaine pari­sienne devant des façades dignes de Gaudi, jusqu’au vertige londo­nien dans un ciel en Tech­ni­co­lor digne de Dali (tourné en pelli­cule).

Emma Stone sans filtre pour jouir libre­ment de son corps

La danse d’an­tho­lo­gie d’Emma Stone.

Emma Stone traverse l’époque de ces Pauvres créa­tures que sont les hommes (jusqu’au switch final) avec la furie des grands rôles, instinc­tive avec intel­li­gence, bestiale en toute inno­cence, ahurie de l’ins­tant présent et de toutes les sensa­tions de son corps jusqu’à… en jouir libre­ment.

En nous trim­bal­lant avec elle au milieu de ce conte à la fois très sérieux quand il s’agit d’évoquer la science ou la mort, et très drôle quand il s’agit de s’en libé­rer d’un élan brut de vita­lité, Pauvres créa­tures se mue peu à peu en satire fémi­niste féroce. Entre un voyage initia­tique sulfu­reux à la Paso­lini, une trajec­toire de femme à la Fass­bin­der (on voit passer sur le pont Hannah Schy­gulla) et un vrai conte philo­so­phique à la Kubrick.

Pauvres créa­tures, beau bizarre et splen­deur visuelle

Un ciel surréa­liste des Pauvres Créa­tures.

Yorgos Lanthi­mos est surtout un des rares grand cinéastes d’aujourd’­hui à capable de nous mettre sous les yeux un univers visuel éton­nant et inédit, reli­sant aussi bien l’His­toire, la dimen­sion fantas­tique que le monde d’aujourd’­hui, dans un voyage roma­nesque qui ne cesse de surprendre pendant 2h entre satire, bizar­re­ries et provo­ca­tion.

Non sans oublier la beauté : « l’amour prag­ma­tique » aura duré le temps d’un mirage dans les reflets sublimes d’une marche au bord de l’eau, comme un chromo tout droit sorti de Barry Lindon. Avec ce veinard de Ramy Yous­sef au bras d’un des plus grandes actrices d’aujourd’­hui, Emma Stone. Le nouveau Kubrick n’aura pas volé son Lion d’Or à la dernière Bien­nale de Venise, voilà qu’on tient déjà un des plus grands films de l’an­née.

Pauvres Créa­tures de Yorgos Lanthi­mos (Irl-GB-EU) avec Emma Stone, Mark Ruffalo, Ramy Yous­sef, Willem Dafoe, Hannah Schy­gulla, Jerrod Carmi­chael, Suzy Bemba, Damien Bonnard… Sortie le 17 janvier.

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