Il venait de se faire quitter (après des fiançailles avortées), quand il s’est mis à composer son premier quatuor avec piano. Et ça s’entend dans le superbe adagio tendu comme un arc lacrymal qui finit par s’épancher dans la douceur d’un piano en arpèges. Sans doute pour se consoler des amours passées… A l’époque, grande interprète de Fauré, y voyait « le plus triste écho de sa rupture sentimentale« .

A l’époque toujours, c’est Gabriel Fauré qui tenait le piano de son quatuor lui-même. A l’Auditorium, c’est le pianiste attitré de l’ONL (il y en a un), Pierre Thibout, qui prendra le relais de cette musique proustienne, tellement française, pré ou post-romantique, c’est selon, mais jamais dans l’effusion pathétique, rassurez-vous. L’allegro final (composé plus tard, ceci explique peut-être cela) ressemble même à s’y tromper à une course empressée de retour à la vie.

Gabriel Fauré des débuts à la fin

Le trio avec piano qui ouvre le concert (écrit près de 50 ans plus tard), marque lui aussi un retour à l’inspiration. Cette fois, Fauré est au faîte de sa gloire à 77 ans et, marié, explique à son épouse qu’il a entrepris un trios avec clarinette. Il la remplacera par la violon au fur et à mesure de la composition. Ça tombe bien, c’est Jacques-Yves Rousseau, premier violon solo de l’ONL, qui sera là pour l’interpréter. L’andantino central est lui aussi de toute beauté – rasséréné – et fera de cette avant-dernière partition du compositeur un des sommets de sa production, fêtée par un allegro final au naturel galopant.

Fauré a toujours été le compositeur on ne peut plus français de la retenue impressionniste plutôt que de l’épanchement romantique. Vous ne risquez donc rien. D’autant que ce concert de musique de chambre (1h sans entracte) devrait en outre bénéficier de la nouvelle acoustique de la salle (fermée pour travaux en septembre), enveloppant davantage le son sur la scène. Il ne reste plus qu’à vous installer.

Nicholas Angelich, Renaud et Gautier Capuçon dans l’Andantino du trio en ré mineur de Fauré.