Rien qu’à la voir saluer la salle les mains jointes et humbles, souriante, on voit déjà toute la grande dame qu’elle est : ce petit bout de femme nommée Maria Joao Pires qui entre d’un pas décidé sur la scène de l’Auditorium est bien à la hauteur de sa légende : pas de chichi (elle ne fera pas l’aller-retour entre le Schubert et le Debussy de la première partie de son récital pour se faire applaudir, de l’empathie à revendre et elle attaque drue à peine assise : une 13e sonate presque mozartienne dans un premier mouvement à la gaieté sereine.

Il y a tout dans le Schubert de Maria Joao Pires : son toucher en état de grâce qui vient timbrer le moindre pianissimo jusqu’à aller caresser les oreilles des spectateurs au deuxième balcon de l’Auditorium, mais aussi la structure de l’oeuvre, toujours très architecturée comme dans le Beethoven qu’elle interprètera en seconde partie du récital et qu’admirait tant Schubert et dont en grande maîtresse du clavier elle ne perd jamais la dynamique, se permettant l’air de rien un rubato insolent pour aborder le finale à la façon d’un scherzo.

Maria Joao Pires à la fin de son récital sur la scène de l’Auditorium le samedi 20 novembre 2021.

Schubert et l’infini

Après la Suite bergamasque de Debussy qui nous vaut un Clair de lune si poétique qu’on croirait l’entendre pour la première fois, elle aborde la dernière sonate de Beethoven et ses deux seuls mouvements, dont le grand adagio cantabile déployé en volutes vers l’éternité. Il n’y a qu’elle pour poser les premiers accords comme un chant infini qui salue une dernière fois la puissance de la vie, avant de déployer son art du contrepoint en souvenir de Bach.

Elle reviendra au thème initial avec une facilité si déconcertante qu’on jurerait qu’il n’y avait plus de temps. Cette fin de concert est d’autant plus belle qu’elle fait suite aux deux sonates précédentes qu’elle avait données lors d’un récital en 1986 à Lyon, déjà pour les Grands interprètes, comme si elle poursuivait son discours fidèle à travers les années.

Il met aussi un point final à la semaine que cette soliste de plus en plus rare a pris la peine de passer avec l’ONL et l’Auditorium depuis le concerto Jeune homme de Mozart interprété samedi dernier avec l’orchestre de Nikolaj Szeps-Znaider. Une semaine en résidence en quelque sorte avec une des plus grandes solistes d’aujourd’hui, lumineuse et sereine, hors d’âge, en plein âge d’or. C’est ce qui s’appelle vivre des moments d’exception.

Compte-rendu du récital de Maria Joao Pires du samedi 20 novembre à l’Auditorium (Sonate n°13 de Schubert, Suite bergamasque de Debussy, Sonate n°32 de Beethoven), dans le cadre des Grands interprètes.