Vous avez toujours eu un lien très fort à la musique. Avec Voice Noise, il s’agit d’abord de faire entendre des voix de femmes qu’on n’entend pas ?

Jan Martens : “Oui, il y a souvent deux options dans les spectacles de danse : travailler avec un musique originale créée pour l’occasion, ou à partir des musiques des grands maîtres classiques comme Bach. J’aime beaucoup tout ce qu’il y a entre les deux, et creuser dans l’histoire de la musique. On y découvre des choses passionnantes, et une véritable diversité. C’est aussi une façon pour moi de questionner la façon d’utiliser la musique dans les spectacles de danse.

« Je voulais travailler chaque son de voix comme une petite autobiographie. »

JAN MARTENS

Vous travaillez cette fois à partir de voix féminines oubliées. La voix, c’est ce qu’il y a de plus plus difficile à mettre en scène ?

C’est la question la plus difficile, bien sûr. Je suis parti du livre d’une essayiste canadienne des années 90, The Gender of Sound d’Anne Carson. Je voulais travailler à partir d’un diversité de voix de la pop, comme par exemple Colette Magny en France. Et travailler aussi de façon très personnelle avec chaque interprète. Chaque son est comme une petite autobiographie dans laquelle on redonne à entendre la voix d’une chanteuse dans le corps d’une danseuse ou d’un danseur. Voice Noise est vraiment un happening, aussi bien pour le public que les interprètes, dans lequel écouter et regarder sont mis sur le même pied d’égalité.

Colette Magny, une des voix que fait entendre Jan Martens dans Voice Noise.

Votre spectacle s’appelle Voice Noise et non pas Female Voice Noise. Votre travail a toujours été placé sous le signe de l’altérité. Vous ne vouliez pas en faire un manifeste féministe ?

Non, exactement. Il s’agit de faire entendre des voix qui ont été laissées de côté par la société patriarcale, mais on peut très bien découvrir qu’il s’agit de voix féminines une fois dans la salle. J’essaie de m’adresser à tous les publics, tout en restant singulier. De la même façon, j’ai choisi une ou deux chansons pop un peu plus connues dans la playlist.

« Je me souviens en pleine puberté comme jeune homosexuel que les voix féminines m’apportaient beaucoup de paix. »

JAN MARTENS

Vous abordez aussi le fait que ces voix féminines pouvaient être des modèles pour les hommes homosexuels.

Jan Martens : Oui, je me souviens en pleine puberté comme jeune homosexuel que les voix féminines m’apportaient beaucoup de paix, à commencer par Kate Bush. Je les écoutais en boucle. C’est un des thèmes du spectacle, mais ce n’est pas central. J’avais déjà pu l’aborder dans mon solo Elisabeth gets her way en 2021.

Any attempt will end in crushed bodies and shattered bones de Jan Martens. (photo Phile Deprez)

Vous étiez revenu ensuite avec Any Attempt, un spectacle pour 17 interprètes, chose inhabituelle pour vous. Quelle expérience en gardez-vous ?

C’était magnifique de pouvoir faire de grands tableaux avec autant de danseurs. Même si c’était pour moi une façon moins personnelle de pouvoir travailler avec chaque interprète. Ce que je peux retrouver avec Voice Noise.

Vous êtes aussi associé à une Carte blanche. Vous avez déjà une idée de ce que vous allez programmer ?

Complètement. J’invite quatre artistes et amis. D’abord Femke Gyselink qui dirige avec moi la Grip House. Elle a un langage unique très dansé et très abstrait à la fois. C’est une autre façon d’aborder la pop. Je souhaitais aussi ouvrir au-delà de la danse. On projettera Common People, le court-métrage de fin d’études Lukas Dhont, réalisateur de Girl puis Close. Il l’avait tourné avec deux des danseurs de mon spectacle Sweat Baby Sweat.

Ensuite je suis un des derniers à garder une passion pour le clavecin qu’on entendait dans Any Attempt et j’ai souhaité inviter la grande claveciniste Goska Isphording qui en joue comme personne. Enfin j’aurai une conversation publique avec l’écrivain Edouard Louis qui devrait tourner autour des thèmes de l’intimité, de la danse et de la libération.”

Voice Noise de Jan Martens. Du mercredi 27 au vendredi 29 mars à 20h30 (mer 19h30). De 20 à 40 €.

Cosmologies, carte blanche à Jan Martens. Jeudi 28 mars à 19h, plateau ouvert avec Edouard Louis, en partenariat avec la Villa Gillet. Jeudi 29 mars à 18h : projection de L’infini, court-métrage de Luka Dhont. 18h30 et 19h30 : spectacle de Femke Gyselinck. Mini-concert de Goska Isfording après la représentation de Voice Noise. Gratuit.