Le beau film de Christophe Honoré Plaire, aimer et courir vite, devait initialement s’appeler Plaire, baiser et courir vite, ce qui aurait pu être aussi le titre de cet imposant Journal sexuel d’un garçon d’aujourd’hui de 2300 pages (!), comme une radiographie autobiographique de l’homosexualité masculine post-Sida (historiquement). Arthur Dreyfus, c’est un peu l’anti- Edouard Louis, et c’est pour ça qu’on l’aime (il consacre d’ailleurs en véritable diariste un interlude à son concurrent surestimé qui n’était pas destiné à être publié).

Plaire, aimer et courir vite

Pas de posture sans autodérision du quotidien chez Dreyfus, il reste traversé par le monde (dans tous les sens du mot, et il y a du monde qui passe !), plutôt que de se complaire ou de se complaindre en quête d’identité, de bonne ou de mauvaise conscience. S’en suit un journal au sens propre (il parle d’ailleurs souvent de propreté), décomplexé, prompte à observer les corps et les cultures dans les approches et les rencontres fugaces, “s’épuisant à baiser et à écrire” pendant des années dans une joie offerte et certaine, selon laquelle “il faut en finir avec le malheur d’être gay« . Mission accomplie à travers cette écriture incidente des plus stimulantes, pas que pour la sexualité, qui aboutit à ce pavé dont on a lu jusqu’ici les 500 premières pages avec plaisir, dans un geste d’édition hors normes comme on n’en fait plus.

Arthur Dreyfus, Journal sexuel d’un garçon d’aujourd’hui (P.O.L. éditions, 37 €).