Tel qu’on le connaît actuellement, l’Hôtel-Dieu date de la fin du XIIème siècle. C’est l’époque (en 1185!) où l’on construit à son emplacement sur le Rhône un pont en bois pour relier la ville à la route de Vienne, celle qui arrive encore jusqu’au quartier actuel de la Guillotière. Il y a bien déjà eu du temps des Francs, au Ve siècle, un hôpital dans le quartier Saint-Paul, mais ce sont alors les frères Pontifes qui vont être les premiers d’une longue série de confréries à édifier un lieu de soins au cœur de la ville, un peu en retrait du pont.

Le pont de la Guillotière devant l’Hôtel-Dieu, aquarelle (Bibliothèque municipale de Lyon)

Il s’agit alors d’une aumônerie d’une douzaine de lits destinée à soigner les voyageurs et les pèlerins, à l’emplacement de la Chapelle actuelle. Cette baraque modeste s’appelle alors l’Hôpital du Pont du Rhône ou du Pont Saint-Esprit, selon le degré de croyance. Mais à peine érigé, patatras ! Moins de cinq ans plus tard, en 1190, le pont s’écroule au passage de Richard Cœur de Lion, en route pour les Croisades ! Les infatigables frères Pontifes reconstruisent alors le pont un peu plus haut, à l’emplacement actuel du Pont de la Guillotière, ainsi que leur petit hôpital.

L’ancêtre de Hôtel Dieu trouve alors sa place définitive et va faire l’objet de réaménagements successifs, d’abord confié aux Cisterciens en 1308 puis aux Échevins en 1334. Ces derniers seront les premiers à embaucher un médecin au XIVe siècle pour ne plus laisser les malades entre les mains divines à attendre la Visitation… C’est au début du XVIe siècle que l’Hôpital digne de ce nom s’appellera officielle l’Hôtel Dieu de Notre-Dame de la Pitié. En novembre 1532, c’est un certain François Rabelais, auteur de Gargantua et l’inventeur de Panurge, qui sera nommé médecin pendant deux ans.

La dôme de l’Hôtel-Dieu avant sa restauration en 2011 (photos Yves Marchand et Romain Meffre)

Un bâtiment Soufflot à couper le souffle

Pendant ce temps, les travaux d’agrandissements ne cessent de continuer au long des siècles et c’est un des plus grands architectes de France, Jacques-Germain Soufflot, qui va lui donner sa façade actuelle et son fameux dôme, un des plus emblématiques de la ville, au milieu du XVIIIème siècle. Les travaux sont tellement importants qu’ils s’étaleront sur plus d’un siècle et demi. Commencé en 1741, l’Hôtel Dieu ne sera achevé qu’en… 1893, avec la façade donnant sur la rue de la Barre.

Un hôpital moderne

Le dôme est alors destiné à aérer les salles des malades et à mieux évacuer les microbes (sic!), avec en prime une maxime de l’époque sui servira d’argument philosophique digne du Siècle des Lumières : « La beauté est la première marche vers la guérison  ». Renommé pour sa beauté architecturale, l’Hôtel Dieu sera aussi un hôpital réputé pour la modernité de ses soins et de ses règles d’hygiène : il sera le premier au XVIIè siècle à séparer les eaux sales des eaux propres, puis à séparer les malades qui autrefois pouvaient se retrouver jusqu’à quatre dans un lit, promiscuité idéale pour la prolifération des microbes…

Après avoir connu toutes les guerres (il sera réquisitionné pendant la Première Guerre mondiale), l’Hôtel Dieu devient dans les années 1920 le deuxième centre anti-cancéreux de France, sous l’impulsion de Léon Bérard, avant qu’un centre plus grand ne soit créé à l’autre bout de la ville à l’effigie du médecin. Incendié pendant la deuxième guerre mondiale, le grand Dôme sera entièrement reconstruit. S’il a connu moult transformations, avec le projet de réhabilitation lancé en 2011 pour le restaurer tel qu’il est aujourd’hui en Grand Hôtel Dieu, c’est la première fois de son histoire que l’Hôtel-Dieu aura cessé d’être un lieu de soins.

Les 10 secrets de l’Hôtel Dieu

1. L’Hôtel Dieu n’est que le deuxième hôpital de la ville

L’Hôtel Dieu n’est pas le premier hôpital de Lyon. Le tout premier vit le jour du temps des Francs et de Childebert Ier, vers l’an 545, en bord de Saône, dans l’actuel quartier Saint-Paul. C’est sans doute le premier hôpital français.

Le pont de l’Hôtel Dieu reconstruit en 1847 (par Guesdon).

2. L’Hôtel Dieu et le Pont d’Avignon, frères pontifes !

Le frères Pontifes qui sont les premiers à avoir construit les bases de l’Hôtel Dieu à la fin du XIIe siècle, sous un pont de bois, sont aussi les constructeurs du célèbre Pont d’Avignon dans le Vaucluse.

Richard Coeur de Lion.

3. Quand le pont s’est écroulé sous les pas de Richard Coeur de Lion

A peine construit, le pont s’est écroulé lors du passage de Richard Coeur de Lion pour les premières croisades en 1190. Il ne cessera d’être reconstruit un peu plus en aval, jusqu’à trouver sa place définitive à l’emplacement du Pont de la Guillotière actuel.

L’escalier d’une seule coulée datant du XVIIIe siècle (au moment de la restauration).

4. L’escalier volant d’une seule coulée

L’Hôtel-Dieu recèle un magnifique escalier du XVIIIème siècle. Les dalles gigantesques en une seule coulée restent un exemple unique de savoir-faire, d’autant qu’elles ne pénètrent que de 5 centimètres dans les murs, défiant toutes les normes de sécurité actuelles. Et pourtant, elles tiennent ! Autre merveille : la ferronnerie tout au long de la rampe qui s’affine au fur et à mesure des volutes. Une véritable célébration du don des doigts, à découvrir dans la cour du Cloître.

La bibliothèque de l’abbé Flachy.

5. Les lectures de monsieur l’abbé

L’abbé Flachy pratiquait non seulement son aumônerie dans la Chapelle de l’Hôtel-Dieu (qui fait encore l’objet d’une restauration à part), mais il avait aussi son coin lecture : des centaines de livres dans une splendide bibliothèque appartiennent au musée des Hospices Civils de Lyon.

Le passage de l’Hôtel Dieu en 1910.

6. L‘incroyable galerie marchande traversante

Jusqu’en 1930, l’Hôtel Dieu possédait une galerie marchande, traversante, sur le modèle du Passage de l’Argue, qui parcourait toute la largeur du bâtiment, du Rhône jusqu’à la rue de la République, côté Nord. Elle a été démolie par la suite pour percer la rue Childebert. La présence de commerces dans le futur projet de l’Hôtel Dieu n’est donc pas une nouveauté, mais plutôt un retour aux sources.

L’unité de réanimation pédiatrique de l’Hôtel Dieu juste après sa fermeture. (photos Marchand et Meffre)

7. Militaires et enfants : les dernières années de l’hôpital

Au début du Xxème siècle, le professeur Jules Courmont fait campagne pour reconstruire l’hôpital ailleurs, les bâtiments étant (déjà) techniquement dépassés. Il obtiendra gain de cause avec la création de Grange Blanche. Mais L’Hôtel Dieu continuera malgré tout d’être un hôpital, d’abord pour accueillir les militaires jusqu’en 1923, puis un centre anti-cancéreux. Un grand nombre d’accouchements continueront d’y avoir lieu après 1945, avec même une salle dédiée à la réanimation pédiatrique (photo), jusqu’à sa fermeture définitive en 2010.

Le réfectoire de soeurs de l’Hôtel Dieu devenu aujourd’hui le restaurant du Grand Réfectoire.

8. Des sœurs hospitalières au Grand Réfectoire

C’est dans la grande salle de l’ancien réfectoire des sœurs hospitalières qu’e prendra’a pris place Le Grand Réfectoire, le restaurant central du Grand Hôtel Dieu et sa petite soeur de L’Officine côté bar. En voici une photo historique à l’époque de la cantine ecclésiastique…

L’incendie de l’Hôtel Dieu en 1944. (DR)

9. Quand le dôme de l’Hôtel Dieu a pris feu…

Alors que certains vitraux de l’hôpital ont déjà été endommagés par la guerre, le 4 septembre 1944, c’est le grand dôme du bâtiment qui prend feu après avoir reçu des tirs pour expurger les derniers relents de la résistance nazie. Il sera totalement détruit par l’incendie. C’est seulement dans les années 60 que des fonds seront débloqués pour sa reconstruction, effective en 1972. L’Hôtel Dieu aura donc vécu près de 30 ans sans sa plus belle tête.

L’intérieur du dôme reconstruit en béton.

10. Le Dôme de Soufflot était en béton !

L’intérieur du dôme, qui signe la plus belle œuvre de l’architecte, a été reconstruit en béton imitation pierre, et vous n’y verrez que du feu ! Conçu d’abord pour évacuer les microbes des malades, l’escalier en colimaçon pour accéder au campanile du dôme fait davantage penser à du béton industriel qu’à une joyau de l’architecture au temps de Soufflot. Réhabilité, il sert désormais d’entrée d’exception à l’Hôtel Intercontinental 5 étoiles et à son bar, dans lequel vous pourrez venir vous promenez ou prendre un verre sans avoir besoin d’avoir réservé une chambre.

Le dôme après la restauration qui sert aujourd’hui d’entrée à l’Intercontinental.

Tout savoir sur les activités du Grand Hôtel Dieu.

L’Hôtel Dieu aujourd’hui dans la ville (photo Tom Augendre).