[mis à jour 28/04/23]

Suite aux baisses de subventions, aux annulations pour grève de salariés contre la réforme des retraites et à la hausse des coûts de l’énergie et de l’inflation, l’Opéra de Lyon traverse une crise sans précédent. Et va devoir avorter sa saison lyrique pendant de longs mois. Tristesse.

L’opéra s’en remettra”. Voilà comment en substance Nathalie Perrin-Gilbert avait annoncé la première sa coupe budgétaire de 500 000 euros, à son arrivée comme Adjointe à la mairie. En précisant : “l’Opéra garde de très belles marges de manœuvre pour faire de très belles choses”. Visiblement ce n’est plus le cas : pour la première fois de son histoire, l’Opéra de Lyon va devoir fermer ses portes, trois mois en tout pour ce qui est de sa saison lyrique. La dernière production de la saison prévue en juin, On purge Bébé de Philippe Boesmans n’aura pas lieu, pas plus que le festival du Péristyle prévu tout l’été, ni la journée Backstage ouverte à toutes et à tous en mai.

Officiellement, l’Opéra de Lyon sera fermé du 15 juillet au 15 août prochains suite à des “mesures budgétaires conjoncturelles”, liées “aux baisses de subventions, à la crise de l’énergie, l’inflation et la crise sociale liée à la réforme des retraites ayant conduit à de nombreuses annulations de spectacles”. Rien que l’annulation des représentations du traditionnel festival de mars avec trois créations représente une perte de 600 000 euros de billetterie, selon la direction, solidaire. In fine, seuls les concerts du vaillant Opéra Underground sont maintenus au sous-sol, ainsi que le concert gratuit du Requiem de Verdi le 8 juin hors les murs aux Nuits de Fourvière, pour les 40 ans de l’orchestre de l’Opéra. Mais pour l’amateur d’art lyrique, nada ! Rendez-vous en octobre. Drôle d’anniversaire.

Une « idéologie anti-opéra”

Car entretemps, la Région avait porté le coup de grâce en emboîtant le pas de la Ville de Lyon et en baissant sa subvention elle aussi de 500 000 euros, exactement la même somme. La Ville a beau se défendre en arguant une baisse de “seulement 3%”, il ne s’agit pas ici de théorie budgétaire mais de moyens d’action, et les choses ont malheureusement très claires : l’Opéra de Lyon a un million d’euros de subventions en moins pour travailler. (depuis la Région, contrairement à la Ville, a rétabli 200 000 euros de subventions devant les actions de décentralisation, nombreuses, de l’Opéra, ndlr)

Comme il est de bon ton dans les milieux anti-culturels de crier haro sur l’opéra – surtout quand on n’y met pas les pieds – nul doute que les charognards ne manqueront pas de se réjouir. Sans penser que le tour prochain pourrait bien être le leur…La question n’est évidemment pas de savoir si telle ou telle structure peut faire des économies, elles en font toutes… Mais lorsque les politiques de tous bords se gargarisent avec la dernière hypocrisie de “sacraliser le budget à la culture” (la Ville comme la Région), on se demande bien où passe autant d’argent coupé… Et à quoi servent les politiques publiques.

Bientôt la nuit sur l’Opéra de Lyon ? (photos Bertrand Stofleth)

Fini la démocratisation culturelle

Les subventions territoriales de la municipalité et de la Région servaient justement avant tout à démocratiser l’opéra : accueil des groupes locaux sous le Péristyle tout l’été à Lyon, petites formes d’opéras itinérants hors les murs y compris dans des lieux sociaux ou scolaires, retransmissions gratuites d’opéras en milieu rural dépourvu d”art lyrique, une invention de l’Opéra de Lyon. C’est dire si ces coupes sont stupides… Il y a un moment où il faut remettre le chef d’orchestre sur l’estrade : un opéra, a fortiori national, est d’abord là pour produire des opéras. Il n’y a aucune raison que ces coupes de subventions aboutissent à diminuer son activité première. C’est le choix, courageux, qu’a fait le nouveau directeur Richard Brunel pour la saison prochaine : maintenir le nombre de productions et l’audace propre à l’Opéra de Lyon qui attire un public inergénérationel beaucoup plus varié qu’ailleurs. Créatif, dynamique, ouvert sur la ville et accessoirement plus gros employeur culturel de la région, tel est l’Opéra de Lyon. Mais qui s’en soucie encore ?