Cinéaste à 360°, Louis Malle pouvait aussi bien adap­ter un écri­vain anar­chiste, Georges Darien, pour tour­ner Le Voleur avec Belmondo, que Drieu La Rochelle pour Le Feu follet, son oeuvre la plus noire, sur la mort volon­taire armée de rage et de déses­poir. La liste de ses colla­bo­ra­tions – qu’on fera courte – est la plus pres­ti­gieuse de son temps : Miles Davis pour Ascen­seur pour l’écha­faud, Ry Cooder pour Alamo Bay, Raymond Queneau pour Zazie dans le métro, Jean-Claude Carrière pour Viva Maria ou Milou en mai, ou Patrick Modiano pour Lacombe Lucien, portrait d’une jeunesse en pleine colla­bo­ra­tion qui lui vaudra la foudre des censeurs et préci­pi­tera son départ aux Etats-Unis. Car Malle est un cinéaste français protéi­forme, au Mexique pour filmer les deux plus belles actrices de l’époque dans Viva Maria (western fémi­niste pica­resque avec Brigitte Bardot et Jeanne Moreau), à Calcutta pour un docu­men­taire, ou aux Etats-Unis pour plusieurs films magni­fiques : God’s coun­try sur l’Amé­rique profonde, Atlan­tic City avec Burt Lancas­ter et Susan Saran­don s’il vous plaît, ou Alamo Bay, dénonçant l’Amé­rique raciste de Trump avant l’heure, toujours avec le souci du docu­men­ta­riste (malheu­reu­se­ment absent de la rétro Lumière).

Michel Piccoli et Susan Saradon dans Atlantic City de Louis Malle au festival Lumière de Lyon.
Michel Piccoli et Susan Saran­don dans Atlan­tic City de Louis Malle (Prod DB © Selta Films – Para­mount – 1980)

Styliste, mora­liste et natu­ra­liste

Car de ce qu’on pour­rait appe­ler les trois visages de Louis Malle (le styliste, le mora­liste et le natu­ra­liste), c’est peut-être le dernier qui emporte tout, pour filmer l’Amé­rique comme les visages sublimes des femmes dans Le Feu Follet, son enfance fusion­nelle avec sa mère dans Le Souffle au coeur lui aussi habité par sa passion pour le jazz, ou le dénue­ment d’une cama­ra­de­rie enfan­tine dont l’in­sou­ciance autour d’un piano résiste autant qu’elle peut à l’hor­reur de la dépor­ta­tion, dont le coupe­ret n’aura jamais été aussi violent qu’à le briser la candeur et les secrets de l’en­fance. C’était Au revoir les enfants, et c’était un comé­dien lyon­nais, Philippe Morier-Genoud, qui en prononçait le titre à la toute fin du film (lire notre entre­tien avec lui dans notre numéro print d’oc­tobre). Il sera présent au festi­val Lumière pour rendre hommage à ce cinéaste pluriel, unique dans le paysage hexa­go­nal.

Miou-Miou dans MIlou en mai de Louis Malle au festival Lumière de Lyon.
Miou-Miou dans Milou en mai de Louis Malle. (Prod DB © Nouvelles Editions du film / 1989)


Rétros­pec­tive Louis Malle en 17 films pendant le festi­val Lumière, du samedi 15 au dimanche 23 octobre. Au revoir les enfants en présence de Philippe Morier-Genoud et Irène Jacob, dimanche 16 octobre à 14h30 au Pathé Belle­cour, Lyon 2e.

La rétro Louis Malle, gent­le­man provo­ca­teur de Mala­vida Films sera aussi dispo­nible au cinéma en copies restau­rées Gaumont à partir du 9 novembre (partie 1 avec 6 films Ascen­seur pour l’écha­faud, Le Voleur, Le Souffle au coeur, Le Feu Follet, Les Amants, Viva Maria ; partie 2 été 2023).

Jeanne Moreau dans Ascenseur pour l'échafaud de Louis Malle au festival Lumière de Lyon.
Jeanne Moreau dans Ascen­seur pour l’écha­faud. (Prod DB © Nouvelles Editions de Films / 1958)