
Cinéaste à 360°, Louis Malle pouvait aussi bien adapter un écrivain anarchiste, Georges Darien, pour tourner Le Voleur avec Belmondo, que Drieu La Rochelle pour Le Feu follet, son oeuvre la plus noire, sur la mort volontaire armée de rage et de désespoir. La liste de ses collaborations – qu’on fera courte – est la plus prestigieuse de son temps : Miles Davis pour Ascenseur pour l’échafaud, Ry Cooder pour Alamo Bay, Raymond Queneau pour Zazie dans le métro, Jean-Claude Carrière pour Viva Maria ou Milou en mai, ou Patrick Modiano pour Lacombe Lucien, portrait d’une jeunesse en pleine collaboration qui lui vaudra la foudre des censeurs et précipitera son départ aux Etats-Unis. Car Malle est un cinéaste français protéiforme, au Mexique pour filmer les deux plus belles actrices de l’époque dans Viva Maria (western féministe picaresque avec Brigitte Bardot et Jeanne Moreau), à Calcutta pour un documentaire, ou aux Etats-Unis pour plusieurs films magnifiques : God’s country sur l’Amérique profonde, Atlantic City avec Burt Lancaster et Susan Sarandon s’il vous plaît, ou Alamo Bay, dénonçant l’Amérique raciste de Trump avant l’heure, toujours avec le souci du documentariste (malheureusement absent de la rétro Lumière).

Styliste, moraliste et naturaliste
Car de ce qu’on pourrait appeler les trois visages de Louis Malle (le styliste, le moraliste et le naturaliste), c’est peut-être le dernier qui emporte tout, pour filmer l’Amérique comme les visages sublimes des femmes dans Le Feu Follet, son enfance fusionnelle avec sa mère dans Le Souffle au coeur lui aussi habité par sa passion pour le jazz, ou le dénuement d’une camaraderie enfantine dont l’insouciance autour d’un piano résiste autant qu’elle peut à l’horreur de la déportation, dont le couperet n’aura jamais été aussi violent qu’à le briser la candeur et les secrets de l’enfance. C’était Au revoir les enfants, et c’était un comédien lyonnais, Philippe Morier-Genoud, qui en prononçait le titre à la toute fin du film (lire notre entretien avec lui dans notre numéro print d’octobre). Il sera présent au festival Lumière pour rendre hommage à ce cinéaste pluriel, unique dans le paysage hexagonal.

Rétrospective Louis Malle en 17 films pendant le festival Lumière, du samedi 15 au dimanche 23 octobre. Au revoir les enfants en présence de Philippe Morier-Genoud et Irène Jacob, dimanche 16 octobre à 14h30 au Pathé Bellecour, Lyon 2e.
La rétro Louis Malle, gentleman provocateur de Malavida Films sera aussi disponible au cinéma en copies restaurées Gaumont à partir du 9 novembre (partie 1 avec 6 films Ascenseur pour l’échafaud, Le Voleur, Le Souffle au coeur, Le Feu Follet, Les Amants, Viva Maria ; partie 2 été 2023).
