On profite du replay de son dernier one man show sur Olym­pia TV, « On ne peut pas rire de tout« , pour vous faire un cadeau : l’in­ter­view qu’on avait pu faire avec Patrick Timsit à la créa­tion du spec­tacle sur l’art de faire rire et ses limites. En reve­nant aussi sur ses débuts à Lyon. Enjoy.

Est-il plus diffi­cile de rire de tout aujourd’­hui ? Y a-t-il des sujets plus touchy que d’autres ?
Patrick Timsit : « Bizza­re­ment, je ne crois pas. Si je n’aborde pas certains sujets, c’est simple­ment que je n’y suis pas arrivé. Les sujets touchy, c’est ceux qu’on rate ! Il y a par exemple une phrase que j’ai virée du spec­tacle. Elle provoquait un trop gros malaise. Mais c’était simple­ment : « Un jour, ton père, il meurt. » Un tracas du quoti­dien, banal, mais qui provoquait un mal-être terrible. Je ne pouvais pas rester sur mon petit plai­sir person­nel. Je voyais le public partir dans ses pensées noires. Est-ce qu’on est là pour créer une malaise ? La réponse est non. De la même façon, je n’aborde pas les nazis ou Hitler parce que je suis juif. Je ne me mettrai jamais dans cette posture-là. Il faut d’abord que ce soit drôle, et ensuite, éven­tuel­le­ment, que ça porte à réflexion. Mais si ce n’est pas drôle, c’est raté !

Vous passez quand même les limites plus que d’au­tres…
Disons que je vais jusqu’à la limite, mais j’es­saie de ne pas la dépas­ser. Ça fait partie de mon souci de compli­cité. L’évi­dence pour moi, c’est d’al­ler sur un axe origi­nal plutôt que de prendre un sujet origi­nal. Le piège, c’est de trans­for­mer une scène en tribune et de s’écou­ter parler. 

Peut-on rire contre le public ?
Ce serait raté. Ce serait un échec total. Le spec­tacle, c’est le moment de la fête. C’est une danse à deux, pas un combat de boxe ! Il peut y avoir des choses moins drôles que d’autres, mais ça ne doit jamais atteindre le niveau de l’agres­sion ou du malaise.

« Le spec­tacle, c’est un moment de fête. C’est une danse à deux, pas un combat de boxe ! »

Patrick Timsit

Dans quelle mesure tenez-vous compte des réac­tions du public et jusqu’à quel point vous lui donnez raison ?
C’est une excel­lente ques­tion. C’est tout notre travail. D’abord, je n’ai plus peur d’avoir à couper des choses très drôles si je ne me recon­nais pas dedans. C’est déjà ce que j’es­sayais de faire à mes débuts à Lyon à l’Ac­ces­soire d’en face. Mais ne pas tenir compte du public, ce serait un suicide artis­tique. Ce n’est pas forcé­ment une ques­tion de phrase. Ça peut être une simple ques­tion de timing. Dans un ancien spec­tacle, j’avais une phrase qui disait : « Mère Teresa, elle a le feu au cul ! » C’est drôle. Mais elle arri­vait beau­coup trop tôt dans le spec­tacle. Il fallait d’abord que j’ins­talle les choses…

La noto­riété vous rend-elle plus libre dans vos sujets ? Est-ce qu’elle vous protège pour aller plus loin ?
C’est comme dans la vie. Elle vous offre quelques minutes parce qu’on croit vous connaître. Mais après, rien n’est gagné parce que vous êtes plus connu que quelqu’un d’autre. Là où c’est inté­res­sant la noto­riété, c’est qu’on n’a plus besoin de se présen­ter. On vous accorde un certain crédit, par exemple sur le fait de ne pas être raciste. C’est comme à un dîner. Si vous êtes chez des amis qui vous connaissent, vous pouvez arri­ver en hurlant une bouteille à la main en criant « Qu’est-ce qu’on boit ? De la piquette ? », tout le monde va rire. Si on ne vous connaît pas, vous allez attendre qu’on vous serve et dire: « Il est pas mal, ce vin… »

Quel souve­nir gardez-vous de vos débuts à Lyon à l’Ac­ces­soire d’en face ?
Extraor­di­naire ! C’est un souve­nir de dingue. C’est vrai­ment là que j’ai démarré, en 1989–1990. Tout s’est enchaîné ensuite : le Palais des glaces, La Crise de Coline Serreau. La fois d’après, je reve­nais à la Bourse du travail, comme j’y reviens aujourd’­hui. Ça ne s’ou­blie pas. C’est un de mes très grands souve­nirs de scène. Les gens tapaient des pieds. C’était vrai­ment fantas­tique ! »

Propos recueillis par Luc Hernan­dez


Patrick Timsit, On ne peut pas rire de tout. En replay gratuit sur Olym­pia TV (par MyCa­nal).

Photo : Olivier Chas­si­gnole, dans la loge du théâtre des Céles­tins, avec une marion­nette Turak.