Ecrit en totale empathie à partir du témoignage de flics de terrain mis en cause pour trafic de drogue en 2012, Bac Nord par le réalisateur de La French (déjà avec droopy Gilles Lellouche) dénonce cette fois l’abandon des flics de terrain par leur hiérarchie face aux fauves des cités, portrait en forme de démonstration de force d’un métier devenu intenable.

François Civil et Karim Leklou sous le soleil de Marseille.

Bac Nord, super film d’action sans temps mort

Pas le moindre temps mort, le film se déroule comme un train fou dans le Marseille des quartiers pauvres, dans une série de scènes plus spectaculaires et plus impressionnantes les unes que les autres, entre prise d’assaut, face à faces et interpellations avortées pour cause d’impuissance. S’il filme le métier quotidien de la Crim’ dans une reconstitution époustouflante – un peu comme un fils surexcité du L627 de Bertrand Tavernier qui aboutissait déjà au même constat il y a 30 ans – Cédric Jimenez cherche aussi à plaire autant qu’à montrer, usant de tous les clichés du genre, des flics cow-boys aux cailleras de la drogue en passant par les habitants de banlieue exclusivement filmés comme des fauves en cage, le tout façon clip sur la Canebière. Ça ne manque pas d’être virtuose, mais voilà qui limite autant le propos que l’intérêt des personnages.

François Civil et Gilles Lellouche.

François Civil et Gilles Lellouche dans un pamphlet un peu simpliste

Car de la quinzaine de flics impliqués dans le véritable scandale des “ripoux” en 2012, Jimenez ne retient que trois archétypes : le vieux de la vieille solitaire revenu de tout (Gilles Lellouche, toujours aussi impressionnant), le BG avec le chignon à Payet (François Civil, subrepticement nu sous la douche pour ces dames) et le brave bougre qui tente de maintenir une vie de famille dans ce merdier (Karim Leklou)… Fauves des quartiers de la drogue contre flics à cran, impuissants et déshumanisés, les scènes se succèdent à un rythme effréné mais finissent par se ressembler.

Lancé comme un train fou dans un manque total de distance, le film finit par faire du surplace. Même le basculement par la case prison ne semble pas éveiller la moindre réflexion sociétale un tant soit peu collective. La dénonciation de l’hypocrisie de la hiérarchie et de la récupération politique (avec le vrai Manuel Valls en archive) apparaît plus prompte que celle des exactions des policiers… Aussi impressionnant soit-il, ce film d’action reste sans doute, autant qu’on puisse en juger par rapport à une affaire judiciaire encore en cours, un pamphlet un peu trop rapide pour être honnête sur le fond. Depuis, Cédric Jimenez s’est montré plus sobre avec Novembre. Il n’en demeure pas moins un des réalisateurs français les plus passionnants d’aujourd’hui.


Bac Nord de Cédric Jimenez (Fr, 1h44) avec Gilles Lellouche, François Civil, Karim Leklou, Adèle Exachorpoulos… Sortie le 18 août.