Avez-vous des coups de coeur parti­cu­liers pour cette nouvelle saison ?

Niko­laj Szeps-Znai­der : “Nous allons conti­nuer notre cycle Mahler avec la sympho­nie Titan et la 9e, c’est-à-dire les première et dernière sympho­nies qu’il a compo­sées, pour illus­trer à quel point Mahler a évolué et fait évoluer la musique avec ses sympho­nies. La 9e est vrai­ment une sorte de point limite dans l’art sympho­nique d’un point de vue struc­tu­rel, une façon de voir jusqu’à quel point il pouvait aller.

L’art des grandes sympho­nies reste un thème très fort de la saison qu’on va explo­rer de diffé­rentes manières, aussi en repre­nant en tour­née les sympho­nies de Beetho­ven avec lesquelles j’ai commencé mon travail avec l’ONL. Ce sera aussi l’oc­ca­sion de retrou­ver des grands solistes comme Maria Joao Pires dans le quatrième concerto en décembre.

Vous accueillez aussi d’autres grands noms comme Niko­laï Luganski ou Pinchas Zuker­man…

Oui, Niko­laï Luganski sera là pour le concert d’ou­ver­ture dans le deuxième concerto de Rach­ma­ni­nov ! Et pour Pinchas Zuker­man, je vais vous racon­ter une histoire. Le violon avec lequel je joue est celui avec lequel a été créé le concerto d’El­gar il y a plus d’un siècle. J’avais décou­vert ce concerto avec Zuker­man au violon lorsque j’étais étudiant à New York, il y a déjà quelque temps… Après Yehudi Menu­hin, c’est vrai­ment lui qui a installé cette oeuvre comme un incon­tour­nable du grand réper­toire. C’est une oeuvre extra­or­di­naire et je suis parti­cu­liè­re­ment heureux qu’il vienne la jouer avec nous ici à Lyon.

« On a voulu avec Thomas Hamp­son qu’il vienne non seule­ment chan­ter dans Cosi fan tutte, mais aussi trans­mettre son art de la scène à de jeunes chan­teurs. »

NIKOLAJ SZEPS-ZNAIDER

Last but not least, une autre star vien­dra en fin de saison, Thomas Hamp­son, pour un projet inédit…

Oui, Thomas Hamp­son était venu chan­ter des lieder de Brahms la saison dernière après avoir déjà été avec l’ONL en tour­née au Carne­gie Hall à New York. On cher­chait un nouveau projet ambi­tieux à faire ensemble. Comme vous le savez, j’ai toujours voulu injec­ter de l’opéra dans la saison. Nous n’avions malheu­reu­se­ment pas pu inter­pré­ter Le Vais­seau fantôme comme prévu du fait de la pandé­mie.

Je voulais donc qu’on se rattrape de la plus belle des manières. En tant que bary­ton, Thomas Hamp­son a travaillé avec tous les plus grands chefs et metteurs en scène du monde. On a donc voulu qu’il vienne chan­ter bien sûr, en l’oc­cur­rence le rôle d’Al­fonso dans Cosi fan tutte, mais aussi qu’il mette cet opéra en espace et trans­mette son art du chant et de la scène à de jeunes chan­teurs chan­teurs qui inter­pré­te­ront les deux couples qui vont s’in­ver­ser… Il vien­dra donc chan­ter et mettre en espace le Cosi fan tutte de Mozart en juin 2024.

Niko­laj Szeps-Znai­der diri­geant l’ONL sur la scène de l’Au­di­to­rium. (photo Fred Mortagne)

C’est une oeuvre à part de Mozart, une forme d’ora­to­rio de l’amour en quelque sorte…

Oui c’est une oeuvre extra­or­di­naire. Les trois opéras de Mozart avec Da Ponte (au livret, ndlr) sont chacun une inter­pré­ta­tion de la vie à travers l’amour, que ce soit Les Noces de Figaro ou Don Giovanni. Cosi fan tutte est sans doute le plus mysté­rieux et le plus senti­men­tal.  Le point de départ d’in­ver­sion des couples peut paraître banal au première abord mais il se révèle on ne peut plus profond. Mozart utilise la musique pour contre­dire et appro­fon­dir les senti­ments qui trompent les person­nages.

« Chez Mozart, il y a toujours une compo­si­tion d’émo­tions complexes à l’in­té­rieur de la simpli­cité la plus appa­rente.« 

Niko­laj Szeps-Znai­der

Non seule­ment il y a une psycho­lo­gie des couples très moderne, mais il y aussi cet équi­libre mira­cu­leux entre frivo­lité et enga­ge­ment, joie et mélan­co­lie…

Abso­lu­ment, c’est ce qui fait le génie de Mozart. Il y a toujours un sourire à travers les larmes et une compo­si­tion d’émo­tions complexes à l’in­té­rieur de la simpli­cité la plus appa­rente. C’est pour ça qu’il est inépui­sable et si diffi­cile à inter­pré­ter. C’est aussi ce que j’aime énor­mé­ment chez Strauss et notam­ment dans Le Cheva­lier à la Rose qui était sa façon de répondre aux Noces de Figaro.

Vous pour­riez monter Le Cheva­lier à la rose un jour?

C’est mon grand rêve ! Il faut regrou­per des voix excep­tion­nelles, même pour les plus petits rôles, mais nous pour­rons y arri­ver un jour, j’es­pè­re…

En atten­dant vous allez diri­ger son poème sympho­nique de Strauss, Une vie de héros. Diriez-vous que c’est une oeuvre auto­bio­gra­phique ?

Tout à fait ! C’est un titre assez ironique, comme souvent avec Strauss. Il sublime sa vie dans la musique, il était très secret. Il est à la fois extrê­me­ment pudique et très émotion­nel. Cette Vie de héros est vrai­ment un chef-d’oeuvre. Strauss avait des méthodes de compo­si­tion nova­trices et contem­po­raines, tout en restant fidèle à l’idéal clas­sique. Il n’avait pas besoin de créer des ruptures sonores comme Stra­vinsky ou Schoen­berg. Il a méta­mor­phosé le système sympho­nique de l’in­té­rieur, sans en briser les lois. C’est assez unique.

C’est aussi ce qu’a fait Mahler avec sa neuvième sympho­nie…

Oui, mais avec la neuvième sympho­nie, il s’agit vrai­ment d’un point de rupture. S’il n’était pas mort aussi jeune, je pense que Mahler aurait fondé véri­ta­ble­ment un nouveau système. En revanche, il est toujours resté atta­ché à la tona­lité. La musique occi­den­tale ne sera plus du tout la même à partir du moment où elle quit­tera la musique tonale. De ce point de vue là, Mahler est le point limite de la sympho­nie clas­sique.”

Les concerts de l’ONL diri­gés par Niko­laj-Szeps Znai­der à l’Au­di­to­rium en 23–24 :

  • Jeudi 12 octobre à 20h : concert d’ou­ver­ture de l’ONL. Concerto pour piano n°2 de Rach­ma­ni­nov avec Niko­laï Luganski, sympho­nie n°2 de Bruck­ner.
  • Mercredi 15 novembre à 20h. Concerto pour violon en si mineur d’El­gar avec Pinchas Zuker­man, violon, sympho­nie n°1 de Brahms. 
  • Jeudi 14 décembre à 20h : concerto pour piano n°4 de Beetho­ven avec Maria Joao Pires (+sym­pho­nie n°4 de Niel­sen et grand poème pour cor et orchestre de Bechara El-Khoury, Guillaume Tétu, cor).
  • Jeudi 11 à 20h et samedi 13 janvier 2024 à 18h : Une Vie de héros de Richard Strauss (+ concerto pour piano n°2 de Liszt avec Kirill Gerstein).
  • Jeudi 7 et samedi 9 mars 2024 : Mahler, sympho­nie n°9.
  • Vendredi 24 et dimanche 26 mai 2024. Cosi fan tutte de Mozart avec Thomas Hamp­son, chant et mise en espace.
  • Mercredi 5 juin 2024 à 20h : Mahler, sympho­nie n°1 Titan.

Ouver­ture de la billet­te­rie le vendredi 5 mai.

Photos : J. Mignot.