Il y a les romans qui caressent le lecteur dans le sens du poil, d’autres qui lui tendent une main trop molle pour l’embarquer, ceux qui lassent et ceux dont le contact provoque une réaction épidermique… La Troisième Main n’appartient à aucune de ses catégories. Voilà un roman qui surprend, bouscule et laisse l’empreinte de ses quinze doigts dans l’imaginaire.

Après le formidable Journal sexuel d’un garçon d’aujourd’hui, Il s’agit à nouveau du journal d’un garçon. Mais un garçon un peu candide, atteint d’une monstrueuse difformité. Adolescent à Besançon pendant la guerre de 14-18, le narrateur est pris sous un bombardement puis soigné par un médecin fou qui expérimente sur lui une opération révolutionnaire. Au réveil, le garçon se retrouve avec le bras d’un soldat allemand au niveau du ventre. Cette extension se nomme Hans, et elle n’entend pas se laisser faire.

Arthur Dreyfus, conteur des monstres

Nous voyageons aux cotés de cette « troisième main » animée par le désir. Un désir parfois vengeur, égotiste, voire même… sexuel. Il serait aisé de voir dans cet appendice, une métaphore seule de la pulsion sexuelle. C’est bien plus large. Le récit tourne autour de la culpabilité, sans tomber sans la lourdeur du roman à thème. Pour ce faire, Arthur Dreyfus fait la démonstration de son grand talent de conteur. Son univers est peuplé de monstres de cirque. Les 500 pages du récit font bourlinguer notre héros sur les routes d’Europe, devenant tour à tour prisonnier de guerre, magicien, libertin. L’écriture est parsemée de tics de langage de l’époque. On pense à l’écriture saccadée de Céline dans une version revisitée par un garçon (talentueux) d’aujourd’hui. On se laisse prendre par la main.

La Troisième Main d’Arthur Dreyfus (P.O.L. éditions, 496 p.), 24 €. Arthur Dreyfus sera à la librairie Passages, Lyon 2e, le jeudi 12 octobre à 19h. Entrée libre.