Lyon au temps des Romains : Lugdunum ou Lougoudounon ?

La légende la plus courante veut que le nom de « Lugdunum » soit dû à la « colline de la lumière », en référence à Fourvière, « Lug » étant rapproché du « lux » latin – la lumière – et « dunum » signifiant « colline ». Mais cette origine reste controversée. Comme le note Patrice Béghain dans le Dictionnaire historique de Lyon, « Lugdunum » est un nom très fréquent dans le monde celtique. « Lugdunum » pourrait alors venir d’une fondation celtique antérieure connue sous le nom de « Lougoudounon », dans lequel « lougos » signifie « corbeau », allusion à un rite religieux dont on a trouvé de nombreuses traces sur la colline…

Lugdunum, une ville en trois quartiers

Jésus-Christ n’était pas né qu’il y avait déjà la Gaule. En 43 avant J.-C., une colonie romaine s’installe sur la colline de Fourvière, site stratégique au carrefour d’une importante circulation, notamment fluviale. Lugdunum est née, et ne va cesser de s’étendre pour atteindre son apogée au IIe siècle avec ses 40 000 habitants et 350 hectares.

Trois quartiers composent la colonie: le quartier historique de la colline de Fourvière, le plus dense, qui réunit la plupart des habitations et les loisirs avec l’Amphithéâtre et l’Odéon, les mêmes que ceux des Nuits de Fourvière aujourd’hui, mais en meilleur état, ainsi qu’un hippodrome où des courses de char sont régulièrement organisées les jours fériés (175 à l’époque, pas besoin de manifester pour la cinquième semaine de congés payés).

Quand Lyon Presqu’Île était « Canabae »

Lyon au temps de Lugdunum.

Les activités plus commerciales se font, quant à elles, dans le quartier du Canabae, l’actuelle Presqu’île, où se trouvent aussi les habitations de riches négociants. Le troisième quartier, celui de Condate et des artisans – l’actuelle Croix-Rousse –, abrite un second amphithéâtre, le sanctuaire des Trois Gaules, à l’emplacement du Jardin des plantes aujourd’hui, presque aussi grand que les arènes de Nîmes. Mais c’est bien à Fourvière que se trouve le cœur de la Cité.

Le plus ancien amphithéâtre conservé de toute la Gaule

L’Amphithéâtre des Trois Gaules.

On croit qu’il a toujours été là… En fait, le grand amphithéâtre des Nuits de Fourvière, le plus grand bâtiment romain conservé de Lyon, n’a que… 60 ans ! Ce n’est qu’en 1953 que les fouilles commencées vingt ans plus tôt ont fini par aboutir. C’est le plus ancien amphithéâtre conservé de toute la Gaule, construit vers –15 av. J.C, les théâtres antiques de Vienne, d’Arles de Nîmes ou d’Orange datant du Ier siècle de notre ère. Il pouvait accueillir jusqu’à 10 000 spectateurs (contre 20 000 pour l’Amphithéâtre des Trois Gaules). Le petit théâtre adjacent de l’Odéon date, lui, du IIe siècle et pouvait accueillir jusqu’à 3 000 personnes pour du théâtre ou des concerts. Les deux amphis étaient partiellement couverts et disposaient d’un portique ouvrant sur une esplanade… comme aujourd’hui.

Lugdunum, l’art de la déco… et des croix gammées

Svastika ou croix gammée romaine.

IIe siècle. Il faut attendre le IIe siècle après J.-C. pour que les mosaïques deviennent réellement un outil décoratif incontournable des maisons le plus riches de Lugdunum. Parmi les décorations insolites, on trouve notamment les svastikas, tristement récupérées par les nazis des siècles plus tard sous l’appellation de croix gammées. Les branches brisées de ce symbole de chance et de fertilité évoquaient pourtant à l’origine pour les Hindous de Transylvanie l’idée d’une rotation autour d’un axe, représentant les forces de l’univers tournant autour d’un corps céleste…

Quand les Romains inventaient les jouets…

IIIe siècle. Toupies, yoyos et osselets : les Romains ont tout inventé. Il n’y avait pas encore Noël, mais le best- seller du jouet, c’était déjà le hochet, un simple objet de terre cuite contenant des billes d’argile. Certaines familles plus riches choisissaient des hochets d’argent, mais ils noircissaient les mains. Vous pouviez aussi fabriquer une poupée avec un morceau de bois recouvert de chiffons. Les noix suffisaient aux garçons pour jouer aux billes. Le puzzle d’Archimède était un carré composé de formes géométriques modulables appelé aussi tangram en Asie. La poignée de baguettes à jeter puis à récupérer sans les faire tomber était aussi déjà un succès. Mais les Romains avaient aussi de l’intellect. Le jeu des « latroncules » était un jeu de stratégie, mélange de backgammon et de jeu de dames…

Gastronomie : à la bière comme à la bière

IIIe siècle. Lyon et ses bouchons, Lyon et sa gastronomie… Chez les Gallo-romains, c’était plutôt céréales et légumes secs. Pas de quoi saliver… Et pour les bons petits plats sucrés, ils ne se servaient pas de sucre, mais de miel. De même, le lait n’est jamais gardé tel quel, mais transformé en fromage pour assurer sa conservation. Très friands de coquillages, ils n’hésitent pas à les importer d’Arcachon en les gardant vivants dans de l’eau de mer durant le trajet.

Des bassins sont même prévus dans la ville pour conserver poissons et crustacés. La viande reste un luxe, mais pour la fête, bière, hydromel et posca (boisson à base d’eau et de vinaigre) coulent à flots. Et pour ceux qui ne disposeraient pas d’une cuisine, les repas peuvent se prendre dans des auberges ou en restauration rapide dans la rue. Le food-truck avant l’heure, quoi !

Beauté à Lugdunum : les femmes déjà fashion victims

Nécessaire de toilette romain au temps de Lugdunum.

IVe siècle. Elles le valent bien, même dans l’Antiquité, mais pour les femmes plus encore, il fallait souffrir pour être belles. La femme romaine aspire à la blondeur, bien avant Arielle Dombasle. Pour obtenir un teint plus clair et une chevelure platine, les romaines utilisaient des subterfuges et notamment une crème à base de blanc de plomb qui était violemment toxique. Elles y perdaient des morceaux de peaux, voire les cheveux.

La mode des perruques à partir de cheveux d’esclaves au crâne toujours impeccablement rasé en est sans doute la conséquence.  Pour le reste, la population préfère se rendre au moins une fois par jour aux thermes publics, comme ceux retrouvés sous le lycée Jean Moulin sur la colline de Fourvière. Mais le savon n’existait pas : il fallait d’abord transpirer pour ensuite se racler la peau avec le « strigile » (racloir en fer recourbé), avant un bain froid pour resserrer les pores, et quelques gouttes d’huile parfumée !

La vie à Lyon au temps de la société des Romains

Mosaïque romaine (Kunsthistorisches Museum, Vienne

Au sein de la société, se distinguent les citoyens, les étrangers libres et les esclaves. La citoyenneté s’acquiert par la naissance, l’adoption, le mariage ou cas exceptionnel, le privilège. Être citoyen romain c’est avoir les droits de voter, d’être élu, de participer aux sacerdoces (fonctions liées au culte), d’être propriétaire, de se marier, d’intenter une action judiciaire ou encore d’être appelé pour trancher lors de procès criminels, à l’image des jurés d’aujourd’hui.

Mais être citoyen, c’est également l’obligation de servir aux armées, alors bien actives. Les étrangers libres n’ont pas ces droits et devoirs, mais peuvent vivre comme ils l’entendent à Lugdunum. Un étranger qui souhaite devenir citoyen doit faire une demande directement à l’Empereur ou se faire adopter, quel que soit son âge. C’est en 212 que les choses changent enfin, lorsque l’empereur Caracalla fait de tous les hommes libres des citoyens.

Il est également fréquent à cette époque que maîtres et esclaves tombent sous le charme l’un de l’autre. Le maître peut alors affranchir l’esclave (souvent une femme) pour l’épouser. Cette dernière n’est pas dans l’obligation d’accepter la demande, bien qu’elle y ait un certain intérêt pour vivre dignement. Contrairement aux idées reçues, le statut d’esclave laissait toutefois la possibilité d’occuper des postes élevés au sein de l’administration ou même d’être médecin, caissier ou scribe… comme quoi les Romains étaient parfois plus avancés que nous aujourd’hui. Mais les temps changeront en 476, date de la chute de l’Empire Romain… L’Histoire continue. L.D.

Le théâtre antique de Fourvière aujourd’hui.

Prochain épisode de notre Histoire de Lyon : Les secrets de l’Hôtel Dieu au Moyen-Âge.

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