Si l’on est inté­ressé, il vaut mieux se dépê­cher. A peine ouvert il y a quelques jours, ce restau­rant ferme défi­ni­ti­ve­ment le 25 novembre. Pour comprendre ce prin­cipe d’étoile filante à 20 couverts, il est utile de connaître le contexte. On connais­sait le très bon restau­rant viet­na­mien-laotien Mama­san, tenu par Vladi­mir Bauer au service, sa femme et sa belle-mère en cuisine. Parce que les bonnes choses ont souvent une fin, et que parfois on se lasse (plus 110 000 nems maison au comp­teur), le restau­rant a été vendu. Il aurait pu rester déses­pé­ré­ment vide, en atten­dant l’ar­ri­vée du nouveau proprié­taire.

Les anciens du Local, une valeur sûr

Seule­ment voilà : dans un bar à cock­tails, Vladi­mir rencontre un ancien copain de fac, Morgan de Poli­gnac, qui vient de quit­ter les cuisines du restau­rant Le Local lais­sant, notam­ment, un bon souve­nir à nos papilles. On ne prônera jamais assez l’in­fluence des cock­tails sur les hasards heureux et la créa­ti­vité. Vladi­mir a retrouvé la clé du resto, fait fabriquer des couteaux (et oui, la cuisine viet-lao et ses petits morceaux n’en néces­si­tait pas). De son côté, Morgan, « libé­réééé, déli­vrééé« , a tout simple­ment carte blanche. Cette liberté s’ex­prime en une succes­sion de sept petits plats. Ce ne sont pas vrai­ment les sept nains, puisqu’au final, le dernier dessert, au choco­lat, noisettes, praliné, cara­mel au rhum et orange confite, disposé en esthé­tiques petites pépites ne joue pas sur la faim, mais exclu­si­ve­ment sur la gour­man­dise, et même le miracle si on a choisi le supplé­ment fromage et whisky.

Morgan de Poli­gnac et Vladi­mir Bauer, anciens pote de fac. (photos Maxime Gruss / Exit Mag).

A goûter jusqu’au 25 novembre en atten­dant la reprise

On entame les ébats avec une décli­nai­son autour de la bette­rave, inté­grant notam­ment une guimauve sur biscuit, une meringue bien bette­ra­vée et une pointe de miso. Le navet qui suit, en paral­lé­lé­pi­pède presque cru, suit le même prin­cipe, de la crème, déli­cieuse, jusqu’à la peau en fila­ments séchés soute­nus par un amal­game citron soja. L’ar­ri­vée du poireau déguisé en makis (entouré d’algue nori) ne laisse plus de doute. Le déroulé s’ins­pire de l’Asie. Bizarre pour un Poli­gnac, véné­rable noblesse française millé­naire (et Gabrielle de Poli­gnac, meilleure copine de Marie-Antoi­nette).

Mais il faut savoir que Morgan était prof de Chinois et a vécu en Asie. Ce tropisme de la taille d’un conti­nent se retrouve dans le cabillaud à l’ail grillé (cuis­son à l’huile de coco et riz noir) et dans le wok de bœuf et même dans l’ex­cel­lente poire pochée aux cinq parfums (fenouil, girofle, poivre, cannelle, anis). Le menu change chaque semaine. Il faut profi­ter de ces rares instants de plai­sir de cuisi­ner en liberté, sans autre bride que la proche date de ferme­ture.

Papa­san. 46 rue Ferran­dière, Lyon 2e Presqu’Île. Réser­va­tions : papa­san.fr. Ouvert le soir du mardi au samedi. Menu en 7 services : 55 euros (supplé­ment fromages/whisky : + 8 euros).