Dès notre entrée du menu du déjeu­ner (à 21 euros), on savait qu’on allait retour­ner dans ce tout jeune restau­rant. La « rillette de porc à l’asia­tique et bette­raves » prouve qu’a­vec de petites choses on peut beau­coup de choses. La rillette en elle-même est compo­sée de poitrine de porc long­temps cuite dans son propre gras, d’où un fondant que n’at­teignent jamais les rillettes de canard. Tout réside ensuite dans le carbu­rant qu’on lui a mis dans le moteur. Gingembre, soja, piment, sésame, yuzu rentrent avec bonheur dans le turbo compres­seur. Le parte­naire inat­tendu est la bette­rave rouge. Tout le monde n’ap­pré­cie pas la bette­rave, c’est bien dommage, car bien câli­née, elle offre de nombreux hori­zons pour l’hi­ver. Son côté à la fois terrien, et non pas « terreux » comme le décrivent ses enne­mis – proba­ble­ment trau­ma­ti­sés par des souve­nirs de cantine -, cette légère sucro­sité, s’in­tègrent éton­nam­ment à l’uni­vers orien­ta­liste du cochon. La bette­rave cuite est décli­née en billes et émul­sion­née en petits dômes, s’y intègrent quelques touches de géra­nium. Les soubas­se­ments du plat font appel à la bette­rave chiog­gia, origi­naire de Véné­tie. Elle est allon­gée crue en carpac­cio Craquant, déli­cat. Esthé­tique­ment, elle est recon­nais­sable par ses anneaux concen­triques blanc et violet, légè­re­ment psyché­dé­liques, proche de l’hyp­nose : « mange-moi, je le veux  ». Le croquant crispy est incarné par de simples pois chiches torré­fiés. Cette très jolie entrée ne réap­pa­raî­tra peut-être jamais. L’ar­doise rebat les cartes tous les midis.

Laver­rière, le nom du chef, à l’es­prit en étoile

Le chef Loïc Vagi­nay procède vrai­sem­bla­ble­ment d’un esprit en étoile, loin de la linéa­rité des plans quinquen­naux. L’ins­tinct et la sensi­bi­lité, flagrants, ne se sont pas démen­tis par le gigot d’agneau confit dans son jus pendant 14 heures, légè­re­ment fumé, accom­pa­gné de hari­cots noirs de la Dombes (ici on cuisine au plus local). Un passé de somme­lier chez Marcon (3 étoiles) pour­rait expliquer cet effet de subtil équi­libre. Le chef suit l’idée que l’art de la nuance et de la préci­sion consiste à distin­guer tout ce qui peut l’être, comme en dégus­ta­tion. En résumé, comme il dit : « il ne faut pas que ce soit le bazar dans l’as­siette ». Si le restau­rant s’ap­pelle La Verrière, c’est que les four­neaux sont derrière une verrière, mais aussi parce que le patron (diplômé de l’Ecole des arts culi­naires Paul Bocuse, major de promo­tion, la classe) se nomme Grégoire Laver­rière. Idéal pour une cuisine de clarté. Il va sans dire que la carte des vins, en construc­tion, n’est pas une vaine promesse.

La Verrière. 64 rue Ney, Lyon 6e. 06 60 20 12 84. Du mardi au samedi midi et soir. Formule : 17 euros (midi). Menu : 21 euros (midi). Petits plats du soir : entre 10 et 13 euros ; poulpe rôti piment au nora fumé, chape­lure ; maque­reaux matu­rés, Bour­sin maison à l’aneth et perles de yuzu, côte de boeuf matu­rée 6 semaines (110 euros pour 2) etc.