1. Dune, deux fois plus de Denis Villeneuve

Timothée Chalamet et Rebecca Ferguson dans Dune.

C’est son plus gros budget, et de son propre aveu son film le plus personnel. D’abord parce que Denis Villeneuve avec Dune réalise sur grand écran son rêve d’enfant, et un hommage enamouré à l’oeuvre de Frank Herbert, réputée inadaptable. En cinéphile généreux, il y a même glissé un hommage à Lynch (l’oreille du baron mangée par les fourmis à la fin du 2, clin d’oeil à Blue Velvet). Ensuite, Villeneuve embrasse avec Dune la somme de ses films précédents : conte philosophique, expérimentation visuelle de mondes imaginaires jusqu’à l’abstraction, maestria des scènes d’action, amour des acteurs et contemplation de la nature.

Dune part 1, gratuit en replay sur TF1 jusqu’au 10 mars.

Dune, première partie (2021, EU, 2h36) et Dune, deuxième partie (2024, EU, 2h46) avec Timothy Chalamet, Zendaya, Rebecca Fergu­son, Josh Brolin…

2. Jake Gyllenhaal, Enemy dans la glace…

Jake Gyllenhaal face à lui-même dans Enemy.

ll y a pire que d’avoir un sosie : avoir un double parfait. Même voix, même visage, même cicatrice. C’est ce qui arrive à Adam, discret prof d’histoire de Toronto vivant avec sa copine, découvrant son double en la personne d’un acteur de troisième zone, Anthony, dont le comportement fantasque l’intrigue au moins autant que sa femme enceinte l’attire… Double jeu, double couple, dans une séquence de pré-générique tournée comme un fantasme d’orgie kubrickienne à la musique stridente, Villeneuve place d’emblée son film sous le signe de l’abstraction et du film à clés. La figure de l’araignée sera déclinée tout du long, jusqu’à une dernière image, sidérante. Un thriller psycho-sexuel étonnant, tourné dans la ville désincarnée de Toronto comme le Crash de Cronenberg. Le plus adulte des Villeneuve.

Enemy de Denis Villeneuve (2014, Can, 1h35) avec Jake Gyllenhaal, Mélanie Laurent, Sarah Gadon…

3. Premier contact avec la science-fiction

Amy Adams dans Premier contact.

Dans un futur très proche, des extraterrestres débarquent sur Terre. Les humains sont déstabilisés : les vaisseaux spatiaux, loin de l’USS Enterprise, ressemblent à ces galets décoratifs que l’on trouve chez Roche-Bobois. À la nuance près qu’ils mesurent 500 mètres de haut et lévitent au-dessus du sol. Le gouvernement fait appel à la linguiste Louise Banks (Amy Adams), accréditée Défense, pour traduire le farsi (la langue persane, pas l’encornet farci). Elle découvre que les Aliens s’expriment en fait par dessins, grâce à des tentacules fonctionnant comme une imprimante à jet d’encre. C’est très beau. Fin du monde ou réconciliation entre les peuples ? Denis Villeneuve expérimente déjà les questionnements philosophies et la beauté plastique de son futur Dune, mais dans un contexte plus réaliste.

Premier contact de Denis Villeneuve (2016, EU, 1h56) avec Amy Adams, Jeremy Renner, Forest Whitaker…

4. Prisoners de la violence

Pour ses premiers pas à Hollywood, Denis Villeneuve avait greffé sur une intrigue à la Taken (un homme à la recherche de sa fille enlevée), une atmosphère bostonienne sombre et poisseuse digne des plus grands romans de Dennis Lehane (Gone Baby Gone ou Mystic River). Dès la scène de chasse d’ouverture où l’on suit le cadavre de l’animal jusqu’à l’assiette, on sait que ce n’est pas tant le thriller qui intéresse Denis Villeneuve, que le rapport ambigu de la culture américaine ordinaire à la violence. À l’action pure, Villeneuve préfère filmer l’intimité brisée d’une famille et la colère lorsqu’elle n’arrive pas à s’exprimer (Hugh Jackman, grandiose),avec une qualité d’atmosphère impressionnante. La tension tragique se lit constamment sur le visage des acteurs. Paul Dano, ravagé, est méconnaissable en figure du mal revenue de There Will be Blood. Jake Gyllenhaal est toujours le meilleur acteur du monde. On le retrouvera dans Enemy.

Prisoners de Denis Villeneuve (2013, EU, 2h33) avec Hugh Jackman, Jake Gyllenhaal, Violas Davis…

5. Incendies, l’autre veine de Villeneuve

Si Sicario est un film de drogue assez conventionnel malgré Benicio del Toro et une mise en scène hyper-efficace, Incendies, inégal, a le mérite de montrer une autre facette de Denis Villeneuve. Sous couvert de polar au Moyen-Orient, c’est la quête spirituelle des origines de son compatriote Wajdi Mouawad qu’il adapte à l’écran. Le croisement entre thriller et tragédie familiale sur le thème de l’exil ne se réalise pas complètement, mais démontre l’extraordinaire variété du cinéaste canadien.

Incendies de Denis Villeneuve (2010, Qué, 2h10) avec Lubna Azabal, Rémy Girard, Mélissa Désormaux-Poulin…

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