Il y a une bonne idée à l’origine de cet Elias. Récupérer une production du théâtre de Vienne de 2019 qui allait partir au rebut pour la présenter à Lyon, à moindre coût. C’est malin, d’autant qu’Elias est un oratorio dramatique, imposant, rarement donné, et jamais monté à Lyon. Une belle découverte, donc.

Fallait-il pour autant le mettre en scène ? Pas sûr… Si les oratorios sont à la mode à l’opéra (essentiellement pour permettre aux metteurs en scène d’en faire ce qu’ils veulent – ils étaient prévus pour les églises, sans action scénique ni incarnation théâtrale des personnages.

Elias tirant son église en carton au début du spectacle. (photos Bertrand Stofleth)

Cette production de Calixto Bieito n’échappe pas à la règle. On y retrouve beaucoup de remplissage scénique inutile à la façon du regie theater à l’allemande : un choeur qui fait trois fois le tour d’une église en carton qu’Elias fait mine d’avoir du mal à tirer au milieu du plateau en guise de prologue, avant le « peuple » ci-représenté ne la déchire avant de la… manger, et de déchirer des petits cartons pendant tourze la durée du spectacle. On a connu la colère un peu plus subtilement exprimée…

Elias, un oratorio en terre d’Israël

Elias, l’esthétique métallique et désolée du regie theater à l’Allemande…

Le reste est à l’avenant : il est écrit « Dieu » au feutre sur l’église en carton au cas où on ait eu un doute sur le sujet, les costumes sont ternes, un ange passe, lentement, et des rails métalliques rétro-éclairés font office de transcendance. Et lorsqu’Elias se badigeonnera de sang en plein crise spirituelle, c’est pour mieux se rincer dans une gamelle canine. Bref, autant de tics intello-académiques qui pourraient (re)servir pour n’importe quel oratorio…

C’est d’autant plus dommage que le conflit en terre d’Isräel entre un juste prophète qui prêche une foi authentique et un roi grisé par le « Dieu des armées » aurait pu évidemment trouver un écho théâtral plus puissant aujourd’hui…

Elias ou comment allumer le feu des choeurs de l’Opéra de Lyon

Mais Calixto Bieito a du métier, et s’il sacrifie un peu trop à l’abstraction facile, il sait malgré tout diriger une foule et conduire un propos. Jusqu’à un finale assez bluffant dans lequel l’Elias de l’imposant Derek Welton menace de s’immoler.

La veuve de Tamara Banjesevic nous a particulièrement ému dans les quelques airs de solistes qui sont réservés. Car l’essentiel est ailleurs : dans l’extraordinaire partition des choeurs mimant la foule tiraillée, en scène pendant 2h15 sans pratiquement s’arrêter de chanter et de jouer. Un petit exploit scénique de la troupe dirigée par Benedict Kearns, le nouveau chef de choeurs, qui leur a valu acclamations le soir de la première.

Populaires et spectaculaires, ce sont bien eux les stars du spectacle et de l’oratorio selon Mendelssohn. Ils méritent largement le détour, pour qui veut redécouvrir ce pan de la musique religieuse judéo-chrétienne.

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