La genèse de l’ora­to­rio le plus célèbre de l’his­toire de la musique est assez fasci­nante : à l’époque, l’an­nonce de l’oeuvre, créée en Irlande, était parue dans le Dublin Jour­nal. « Pour le secours aux déte­nus de plusieurs prisons et le soutien de Mercer’s Hospi­tal ainsi que de l’in­fir­me­rie de charité de l’Inns Quay, le lundi 12 avril sera donné dans la salle de musique de Fishamble Street, le nouveau grand orato­rio de Monsieur Handel, inti­tulé le Messie.  »

Les billets coûtaient une guinée pièce pour ce qui était alors une œuvre de bien­fai­sance à la façon du… concert des Enfoi­rés d’aujourd’­hui ! Avec en prime une place gratuite pour une répé­ti­tion ! Les dames étaient même priées de « venir sans robe à paniers, et les messieurs sans épée, pour ména­ger de la place à davan­tage d’au­di­teurs et augmen­ter ainsi la recette desti­née aux œuvres chari­tables. »

Avec sa géné­ro­sité coutu­mière, Haen­del avait lui aussi reversé sa part de recettes au profit des lieux de charité cités dans l’an­nonce. C’était d’au­tant plus géné­reux que le triomphe du Messie fut immé­diat. Ce sera la première œuvre du réper­toire anglais à n’avoir jamais quitté l’af­fiche, joué tous les ans en Angle­terre depuis sa créa­tion comme l’oeuvre-symbole de la nation britan­nique.

La Chapelle harmo­nique diri­gée par Valen­tin Tour­net. (photo Pascal Le Mée)

Le Messie de Haen­del, un gospel avant l’heure

Ecrit en moins d’un mois selon l’ha­bi­lité habi­tuelle de son compo­si­teur, Le Messie n’a pour­tant rien de l’oeuvre offi­cielle que la légende en a faite. Haen­del est un peu l’anti-Bach. Contrai­re­ment aux Passions du grand Jean-Sébas­tien, ses orato­rios étaient desti­nés à être joués en public dans des salles de concerts, par des chan­teurs issus du théâtre de l’opéra, souvent avec une mise en scène sommaire.

Il avaient beau partir de textes reli­gieux, ils étaient d’une certaine façon dépla­cés à l’église plutôt que prévus pour elle, et les révé­rends de l’époque n’ont pas manqué de trou­ver les basses rock’n’­roll et les choeurs dansés du Messie fran­che­ment inap­pro­priés au lieu…

Halle­lujah I love Haen­del so !

A commen­cer par son Halle­lujah bon à renver­ser les chan­de­liers, devenu depuis le tube absolu de la musique reli­gieuse. Haen­del reven­diquait de faire du diver­tis­se­ment (« enter­tain­ment  ») y compris dans sa musique reli­gieuse, ce qui n’en­lève rien aux pages sublimes de sa musique. Le Messie est d’ailleurs struc­turé en trois parties comme un opéra profane italien.

S’il n’a jamais varié de la forme aria/da capo dans sa quaran­taine d’opé­ras, Haen­del a sans cesse expé­ri­menté des formes multiples dans sa ving­taine d’ora­to­rios. Le Messie est de ce point de vue le meilleur exemple de la fusion des styles euro­péens qu’il a opérée, Alle­mand natu­ra­lisé Anglais et fan absolu d’opéra italien !

Oeuvre réso­lu­ment diver­tis­sante, dansée, théâ­tra­li­sée même si elle ne se dépar­tit jamais de son texte reli­gieux, Le Messie est une sorte de Gospel avant l’heure. L’ap­pa­ri­tion de l’ange aux bergers ou l’évo­ca­tion des ténèbres donnent lieu à des séquences incroya­ble­ment visuelles. Avec le jeune ensemble bondis­sant de la Chapelle Harmo­nique, juvé­nile comme Haen­del au temps de Rinaldo, les murs de l’Ab­ba­tiale ne devraient pas manquer de trem­bler…


Le Messie de Haen­del par La Chapelle harmo­nique, direc­tion Valen­tin Tour­net. Lundi 21 août à 20h30 au festi­val de la Chaise-Dieu (Haute-Loire). De 11 à 90 €. Photo haut : Amy Mine­chetti.