Quelques notes telluriques pour lancer le premier mouvement d’Une Vie de héros et on savait pourquoi on était venu. Visiblement lui aussi. La musique de Richard Strauss coule dans les veines de Nikolaj Szeps-Znaider, et l’empire de l’esprit viennois est contenu tout entier dans cette oeuvre-monstre qu’est Une Vie de héros. Plus qu’un poème symphonique, déjà une grande symphonie qui annonce les grandes contradictions musicales du XXe siècle.

Au romantisme un peu scolaire du prélude de Lohengrin en début de concert, répond donc cette ode post-romantique en forme de gigantesque miroir symphonique tendu au compositeur lui-même. Voici donc Strauss qui choisit la même tonalité que l’Héroïque de Beethoven, que Znaider avait précédemment dirigée. Les cuivres napoléoniens (la référence est elle aussi explicite) lancent la cavalcade, avant que « Les adversaires du héros » viennent déjà faire grincer l’ironie.

Strauss / Znaider, symphonie héroïque

Cette drôle d’autobiographie symphonique se poursuit par les joutes conjugales avec la « Compagne du héros » puis « la plus formidable bataille qu’on est livré en musique » (Romain Rolland). Elle annonce déjà les éruptions des grandes symphonies de Chostakovitch. Le poème reste inaccessible, à la fois évocation personnelle et souffle épique protéiforme. Mais que c’est beau !

Sous couvert d’autobiographie héroïque, la dernier poème symphonique de Strauss survole déjà en 1880 le siècle de musique qui viendra après lui. « La Fuite du monde et l’accomplissement du Héros » s’épanche enfin comme un chant d’amour qui renoue avec la grande tradition viennoise, et annonce les langueurs déployées des mouvements lents des symphonies de Mahler.

La boucle est bien bouclée pour Nikolaj Szeps-Znaider qui aura dirigé cette Vie en héraut, par coeur de bout en bout, faisant vibrer jusqu’à l’incandescence toute l’histoire de la musique qu’elle contient pour dépasser son désordre intime.

Des cors qui font résonner le romantisme bucolique aux violons qui conjurent la bataille qui se joue dans des sommets lyriques réunis comme un seul homme, on aura rarement entendu l’ONL sonner aussi grand.

Compte-rendu du jeudi 11 janvier à l’Auditorium. Première partie : 2e concerto pour piano de Liszt par Kirill Gerstein (un peu mangé par l’ONL, faute de timbre). Prochain concert samedi 13 janvier à 18h. L’ONL et Nikolaj-Zseps Znaider enregistreront Une Vie de héros au disque dans la foulée du concert.