Grâce à la liai­son Lyon-Cannes en ligne directe (merci monsieur Frémaux), on est gâtés : après une douzaine d’avant-premières au Pathé Belle­cour dont la jouis­sive Palme d’Or – Sans filtre de Ruben Östlund – le Lumière Terreaux nous grati­fie d’une dizaine de films supplé­men­taires non encore sortis, à commen­cer par les plus primés. Vous pour­rez donc voir le Grand prix attri­bué à Close de Lukas Dhont – très attendu après la recon­nais­sance pour son premier film, Girl, caméra d’Or en 2018. Une amitié parti­cu­lière entre deux jeunes garçons (comme disait Roger Peyre­fitte), jusqu’à ce qu’un « événe­ment impen­sable » les sépare. Le film ne sortira pas avant novembre, il est donc temps de prendre votre place pour être sûr de le voir avant tout le monde.

Le secret de l’ado­les­cence mascu­line dans Close de Lukas Dhont, Grand prix à Cannes 2022.

Un Park-Chan Wook somp­tueux

Ne cher­chez pas à retrou­ver Old Boy et son poulpe déchiqueté dans le nouveau film de Park Chan-Wook, prix de la mise en scène archi-mérité. Point d’ac­tion, de sang ni de vengeance ici, mais une maes­tria visuelle de chaque instant à la façon du Vertigo d’Hit­ch­cock, détour­nant les codes du film noir vers le roman­tisme morbide d’une veuve ensor­ce­lante soupçon­née d’avoir éliminé son mari. Il ne se passe (presque) rien et on ne comprend pas tout (mais suffi­sam­ment). Ce grand film d’es­thète n’est pas le plus acces­sible du cinéaste coréen mais assu­ré­ment une toile de maître, confiant en la seule narra­tion visuelle pour abou­tir à une sublime scène finale, sur laquelle vien­dra s’ins­crire le titre du film.

La Femme de Tchai­kovski de Kirill Sere­bren­ni­kov.

La déci­sion de partir, vous pour­rez en revanche peut-être la prendre au milieu de Boy from heaven du suédois d’ori­gine égyp­tienne Tarik Saleh (déjà auteur de Le Caire confi­den­tiel), à partir de l’idée origi­nale palpi­pante d’une taupe infil­trant la grande univer­sité sunnite du Caire pour démasquer les agis­se­ments des Frères musul­mans et leur collu­sion avec le pouvoir poli­tique. Las, dans une caméra à l’épaule posée au hasard, il réus­sit à ne rien nous apprendre ni de la reli­gion, ni de l’his­toire, ni de la poli­tique d’un pays où il n’est même pas aller tour­ner. Les quelques rebon­dis­se­ments inutiles lui ont en revanche garanti un prix du scéna­rio (gros­siè­re­ment inspiré du Nom de la Rose avec un Cheikh aveugle). Un nanar plai­sant, ce qui fait aussi partie du plai­sir des festi­vals…

Bouli Lanners, enquê­teur bredouille dans La Nuit du 12 de Domi­nik Moll, co-produit par Auvergne Rhône-Alpes cinéma.

Tout le reste de la program­ma­tion au Lumière Terreaux est bon à prendre, à commen­cer par le film qu’on attend le plus : La femme de Tchaï­kovski de Kirill Sere­bren­ni­kov, (à qui l’on devait déjà Leto), histoire d’amour véné­neuse et maso­chiste sur fond de Russie grand siècle. On y ajoute l’évo­ca­tion émou­vante des années Chéreau à Nanterre à travers de jeunes acteurs dans Les Aman­diers, le nouveau film de Vale­ria Bruni-Tedes­chi déci­dé­ment en pleine matu­rité (sortie en novembre) ; Leila et ses frères, le nouveau film du réali­sa­teur de La Loi de Téhé­ran, Saeed Rous­taee (le 24 août). Et deux petits bijoux noirs du polar venus de la sélec­tion Cannes première, dont on vous repar­lera dans notre numéro d’été : La Nuit du 12 de Domi­nik Moll, formi­dable film de moeurs en miroir aux fémi­ni­cides à travers deux enquê­teurs bredouilles et vulné­rables de la PJ de Grenoble (Bouli Lanners et Bastien Bouillon, remarquables) ; et As Bestas, le thril­ler à la montée en tension impla­cable de Rodrigo Soro­goyen, malai­sant et impres­sion­nant, avec Marina Foïs et Denis Méno­chet (bien­tôt aussi chez Ozon). Les deux films sortent en juillet.

Rodéo de Lola Quivo­ron, avec Virgi­nie Efira (mais pas sur la photo !).

Enfin, last but not least, le film par lequel le scan­dale est arri­vé… par ceux qui ne l’ont pas vu (comme d’hab’) : Rodéo, premier film de Lola Quivo­ron sur les traces du Titane de Ducour­neau (le 7 septembre), prix coup de coeur d’Un Certain regard, pas la moins bonne des sélec­tions cannoi­ses… Ce qui nous conduit à une petite obser­va­tion annexe pour termi­ner ce tour d’ho­ri­zon allé­chant : 5 films de la sélec­tion offi­cielle ne sont pas encore datés, preuve de la frilo­sité du marché. Mora­lité : autant en profi­ter tout de suite ! Et ce n’est pas fini : le cinéma Comoe­dia vient d’an­non­cer à son tour son festi­val Première vague du 15 au 21 juin, à partir des films de Cannes des diffé­rentes sélec­tions, dont la Palme d’Or Sans filtre de Ruben Östlund (samedi 18 juin). On en reparle très vite.

Reprise de la sélec­tion offi­cielle du festi­val de Cannes, au Lumière Terreaux du lundi 6 juin au mardi 14 juin, Lyon 1er.

Deci­sion to leave de Park Chan-Wook, prix de la mise en scène archi-mérité.