Tous ses films parlent d’amour, mais en parlent comme aucun autre. Dans Tran­sit, Chris­tian Petzold mettait en scène sans préve­nir un court récit de 1940 dans le monde d’aujourd’­hui, comme si tous les enjeux de la Seconde Guerre mondiale (réfu­giés, persé­cu­tion, Résis­tance) venaient rattra­per une histoire senti­men­tale ici et main­te­nant, avec un senti­ment d’étran­geté persis­tant que peu de films dégagent. Avec Ondine, il retrouve les envi­rons de Wupper­tal, son berceau natal en Rhéna­nie, pour abor­der avec la même trans­pa­rence trom­peuse le mythe de ces sirènes d’eau douce restées à quai parmi les hommes, à la suite d’une trahi­son amou­reuse. Il retrouve aussi la sublime Paula Beer, déjà dans Tran­sit, ouvrant le film par une scène de rupture amou­reuse (tran­si­toire), à la beauté ensor­ce­lante.

Ondine,le senti­ment du fleuve

Franz Rogowski au musée d’ar­chi­tec­ture de Berlin, à la recherche de son Ondine.

L’eau ne va pas tarder de faire irrup­tion à travers l’éclat d’un aqua­rium ou les séquences aqua­tiques au barrage de Wupper­tal à l’at­mo­sphère fantas­tique. Une histoire d’amour qui ne touche pas terre, voilà l’in­trigue de cette étrange conte de fées moderne. Toute la beauté du film de Chris­tian Petzold, c’est de nous immer­ger avant tout dans les senti­ments ambi­va­lents de ses person­nages, entre revanche et reconquête.

Pas d’ef­fu­sion à la Kechiche (ouf), pas d’in­tel­lec­tua­li­sa­tion du conte, mais la beauté radieuse et grave de Paula Beer, aiman­tant la beauté de ses amants, les étrei­gnant jusqu’à la stran­gu­la­tion (Franz Rogowski)… Mais à travers cette femme conser­va­trice au musée d’ar­chi­tec­ture de Berlin, Petzold raconte aussi à travers des maquettes géantes de la ville l’his­toire d’une Alle­magne née de toute pièce après la guerre, liqui­dant son passé jusqu’à être dépour­vue d’his­toire. Être et avoir été, Ondine est aussi l’his­toire d’une Alle­magne sans ancre, incar­née dans la plus belle des héroïnes. C’est origi­nal, univer­sel et mysté­rieux. Peut-être le plus beau film de la rentrée.

Ondine de Chris­tian Petzold (All, 1h30) avec Paula Beer, Franz Rogowski, Jacob Matchenz, Maryam Zaree… Sortie le 23 septembre.