C’est assez éton­nant de voir sortir la même semaine deux films sur l’en­fance qui se déroulent en 1905. Deux films aussi diffé­rents que Le Temps des secrets, adapté de Pagnol, et ce Bruno Reidal, premier film radi­cal et beau de Vincent Le Port. Le premier idéa­lise les souve­nirs d’an­tan dans un beau livres d’image fami­lial. Le second s’ouvre sur la déca­pi­ta­tion d’un jeune pâtre de douze ans par un ado de 17, qui confond jouis­sance et crime quand il s’agit de garçons… Pas du tout le même trip, donc.

La voix-off, assez rédhi­bi­toire (voix morne avé l’assent méri­dio­nal, prin­ci­pal défaut du film), suit les véri­tables mémoires du jeune Bruno Reidal sept ans après les faits, bien­tôt interné dans l’asile où il finira ses jours, à 30 ans, après que son cas ait été étudié par un certain Alexandre Lacas­sagne, profes­seur à la faculté de méde­cine de Lyon.

Bruno Reidal et le profes­seur Lacas­sagne

Au milieu d’une recons­ti­tu­tion âpre et lumi­neuse du Cantal du début du XXe siècle, Vincent Le Port montre tout crûment mais sans la moindre complai­sance, avec la même séche­resse qu’un Bres­son ou le Pialat de Sous le soleil de Satan.

Abus sexuels et crimes sur enfants, mépris et jalou­sie socia­le… Il expose mais ne résout jamais l’énigme auto­bio­gra­phique, histo­rique­ment passion­nante, d’un enfant intel­li­gent qui a mangé de la vache enra­gée, se masturbe plus que de plai­sir et trouve un exutoire à la phobie de sa propre homo­sexua­lité quand il regarde les jeunes dandys plus nantis que lui, en leur coupant la tête…

« Les scènes de meurtres sont pour moi pleines de charme », dira celui qui se consti­tue prison­nier, répond froi­de­ment à toutes ses moti­va­tions et ne se consi­dère ni fou ni crimi­nel, en pensant expier ses fautes par la prière.

A la façon de Sous le soleil de Satan de Berna­nos adapté par Pialat.

Olivier Messiaen et la nature

Jamais glauque, jamais psycho­lo­gique, avec une méca­nique de narra­tion impla­cable, Vincent Le Port recons­ti­tue cette énigme d’un des premiers assas­sins mineurs au plus près de faits, en faisant respi­rer la nature sur des musiques de Messiaen. Avec un acteur habité, Dimi­tri Doré, quand le réali­sa­teur ne l’oblige à fron­cer les sour­cils. Un premier film gonflé qui prend tous les risques et en maîtrise la plupart. A voir.

Bruno Reidal (Confes­sion d’un meur­trier) de Vincent Le Port (Fr, 1h41) avec Dimi­tri Doré, Roman Ville­dieu, Jean-Luc Vincent, Tino Vigier… Sortie le 23 mars. Inter­dit aux moins de 16 ans.