Artiste “complice” du théâtre de la Croix-Rousse, l’Au­ver­gnat Johanny Bert y présente ce mois-ci La Nouvelle ronde, évoca­tion d’un désir en liberté, à travers des person­nages humains ou animés. Portrait.

Alors c’est lui qui tire les ficelles ? La dernière fois que nous avions vu Johanny Bert, c’était lors de la repré­sen­ta­tion de Hen, une créa­tion présen­tée au théâtre des Céles­tins en décembre dernier. Un strip-tease inso­lant, queer et punk porté par une marion­nette hybride. Un person­nage volca­nique qui tranche d’em­blée avec la voix calme de son géni­teur : «  La marion­nette a toujours été un instru­ment poli­tique, un outil de subver­sion. J’avais envie de travailler sur les ques­tions de genre, de désir, et de sexua­lité. Je voulais inven­ter un person­nage libre qui pouvait faire ce qu’un humain peut diffi­ci­le­ment incar­ner. Hen est une chimère qui ne peut exis­ter que dans l’es­pace d’un théâtre, mais qui permet de poser des ques­tions sur notre société » nous explique l’in­té­ressé.

Pas seule­ment marion­net­tiste, Johanny Bert est un touche-à-tout : à la fois comé­dien, metteur en scène et plas­ti­cien. Ce bouli­mique de travail se décrit volon­tiers comme «  auto­di­dacte » et confie beau­coup douter dans son proces­sus créa­tif. Nommé artiste complice au Théâtre de la Croix-Rousse, on le retrouve une nouvelle fois en train de prêter la main à ses poupées de latex. Il y présente cette semaine La Nouvelle Ronde, adap­ta­tion d’Arthur Schnitz­ler. Avec cette créa­tion, Johanny Bert conti­nue son explo­ra­tion des théma­tiques des désirs, de l’amour et des iden­ti­tés, toujours multiples. 

Hen, la marionnette pas comme les autres de Johanny Bert.
Hen, programmé aux Céles­tins l’an passé, marion­nette de Johanny Bert. (photo Chris­tophe Raynaud)

« Je suis un enfant de la décen­tra­li­sa­tion. »

JOHANNY BERT


Derrière toutes ces facettes et ces masques, on tisse le fil d’un parcours artis­tique (et poétique) qui remonte bien plus loin. Né au Puy-en-Velay au début des années 80, il se décrit lui-même comme un « enfant de la décen­tra­li­sa­tion » : « Enfant je faisais déjà des spec­tacles dans mon coin. Ce n’était pas une famille d’ar­tistes, mais mes parents étaient des gens très à l’écoute et ils m’em­me­naient voir des spec­tacles. J’ai un souve­nir très précis au Musée Gadagne d’une marion­nette qui en mani­pule une autre. C’est à cette époque que j’ai voulu faire mon métier dans le spec­tacle vivant » raconte le marion­net­tiste.

Pas facile de faire entendre ce désir à l’âge où commencent à se dessi­ner les parcours profes­sion­nels. En quatrième, il annonce à une conseillère d’orien­ta­tion qu’il souhaite faire du théâtre. Celle-ci regarde son cata­logue et ne trouve rien qui corres­ponde à l’ado­les­cent. C’est la douche froide : « Sur le moment c’était la dépres­sion, mais ensuite je me suis rensei­gné par moi-même  ».

Après le bac, il quitte le Puy-en-Velay pour la proxi­mité rassu­rante de Saint-Étienne, où il fonde très vite sa compa­gnie : «  Je suis vrai­ment un enfant de la décen­tra­li­sa­tion. Si j’ai pu voir des spec­tacles, c’est grâce aux grands-mères et aux grands-pères de théâtres qui ont créé cette acces­si­bi­lité. Ça m’a permis entre autres de décou­vrir plein de spec­tacles entre Rhône-Alpes et l’Au­vergne  » conti­nue-t-il.

La quaran­taine enta­mée, Johanny Bert peut se targuer d’avoir un parcours proli­fique et reconnu. Le marion­net­tiste souhaite désor­mais poser ses valises sans pour autant renon­cer à la liberté qu’il affec­tionne : « Je suis très mauvais en stra­té­gie. Je fonc­tionne à l’in­tui­tion, au besoin et au désir ». Il paraît que c’est la recette secrète pour donner vie aux marion­nettes.

La Nouvelle Ronde, mis en scène par Johanny Bert, texte de Yann Verburgh d’après La Ronde d’Ar­thur Schnitz­ler. Du mer 12 au sam 15 octobre à 20h (sauf Jeu et Sam à 19h30) au Théâtre de la Croix-Rousse, Lyon 4e. De 5 à 27 €.