Si vous vous deman­dez quel effet cela procure d’être un fragile poireau pris en sand­wich entre une quenelle ventri­po­tente et une andouillette en sauce, faites un tour chez Cano­pée. Ce tout nouveau restau­rant, tenant d’une cuisine contem­po­raine, est coincé entre deux bons gros bouchons tradi­tion­nels : Le Café des Fédé­ra­tions et Chez Paul. Il n’est pas certain que les poireaux inscrits dans les entrées se posent réel­le­ment ce genre de problème. Ils ont d’autres soucis. Le chef Grégory, qui évoque le mousque­taire Porthos, leur a flambé les pieds, enfin les radi­celles, avec un chalu­meau.

Ce genre de torture médié­vale est une des mani­fes­ta­tions de la ligne contem­po­raine de la cuisine de bistrot. Une géné­ra­tion de cuisi­niers s’était achar­née à ne conser­ver que le coeur des légumes, balançant tout ce qui dépasse à la poubelle. Aujourd’­hui, on fait atten­tion aux petits détails. Et le radi­celle de poireau légè­re­ment brûlé, c’est bon. Il tient lieu de cheve­lure à des canons de blancs de poireau à la verti­cale, trem­pés de crème lacto-fermen­tée lubri­fiée d’huile d’oseille. Le chef a rajouté quelques bijoux dans les cheveux : des œufs de truite. Voilà une bonne descen­dance du poireau vinai­grette, patriarche des bouillons et des bistrots.

De la cuisine de mémé à la cuisine contem­po­raine

Puisqu’on y est, signa­lons que la lacto-fermen­ta­tion (c’est comme cela qu’on trans­forme le chou en chou­croute) est un autre jalon du néo bistrot. Ce qui était au départ une méthode de conser­va­tion de mémé est devenu un argu­ment culi­naire contem­po­rain. Grégory est, lui, tombé dans le pickle. Il anime d’un courant élec­trique plusieurs plats assou­pis par une cuis­son lente : les tacos d’ef­fi­lo­ché d’agneau (raisin) ou la poitrine de veau au gingembre cuite des heures (oignons). Le pavé de truite est lui accom­pa­gné d’as­perges lacto-fermen­tées.

Si on a aussi appré­cié en accom­pa­gne­ment les pommes de terres fumées (la cuisine de feu de camp est en vogue), on recom­mande une salade de jeunes pousses de bette­rave et sumac assai­sonné d’une vinai­grette de kombu­cha (lacto­fer­menté et tendance). Au dessert on a appré­cié la simpli­cité d’une crème de brousse sur laquelle était brisée une plaque de nouga­tine. Signa­lons que la crème choco­lat-noisette, le Nutella maison du brunch domi­ni­cal, a un tel succès qu’elle est désor­mais vendue en petits pots à empor­ter. Faisons coucou encore au service prime­sau­tier et empa­thique de Mégane, ainsi qu’à une décou­verte, le déli­cieux Coteau du Lyon­nais Ultreïa de Rostaing-Taillard qui délivre d’éton­nantes (pour du Gamay) nuances fumées.

Cano­pée. 12 rue Major-Martin, Lyon 1er. 09 75 20 11 09. Ouvert le soir du mercredi au samedi, week-end à midi en formule brunch. A la carte comp­ter entre 30 et 50 euros. Menu surprise du chef, à parta­ger, extrait de la carte : 39 euros par personne . Brunch : 18 euros et 27 euros. Photo : Susis Waroude / Exit Mag.