Dans Déni cosmique, le film-phéno­mène de Netflix, c’est un peu l’in­verse d’avec le Covid : quand deux lanceurs d’alerte annoncent la fin du monde immi­nente par une comète proje­tée sur la Terre, non seule­ment personne ne panique, mais tout le monde s’en fout ! C’est le point de départ du nouveau film d’Adam McKay (The Big Short, Vice), pamphlet poli­tico-média­tique jouis­sif dans la grande tradi­tion améri­caine (on pense souvent au Tonnerre sous les tropiques de Ben Stiller en son temps).

Le titre origi­nal, Don’t look up, en plus de faire réfé­rence à une séquence du film, rend encore mieux compte de cette poli­tique de l’au­truche indi­vi­dua­liste qui mène à l’aveu­gle­ment géné­ral. Adam McKay acte que le monde entier est devenu une gigan­tesque docu-fiction dans laquelle pour exis­ter chacun raconte ce qu’il veut bien croire, comme s’il échap­pait à la réalité.

Leonardo Di Caprio en pleine crise dans Don't look up.
Papa Leonardo Di Caprio en pleine crise dans Déni cosmique.

Satire globale multi-écrans

Il croque aussi bien la solen­nité feinte des poli­tiques que le débal­lage égotique des réseaux sociaux, ou les décla­ra­tions de mariage factices sur du mauvais R’n’B, dans des scènes savou­reuses de vrais-faux concerts géants. Tout le monde y passe, Adam McKay se rit de toutes les récu­pé­ra­tions média­tiques, qu’elles viennent des indi­gna­tions stériles comme de l’igno­rance poli­tique, prête à tout pour se traves­tir en mensonges d’Etat (la comète pour­rait géné­rer des milliards et des créa­tions d’em­plois…). Chacun fait se propre story dans un monde – le nôtre – dans lequel plus rien n’a de réalité. Mais si ce Don’t look up est si réussi, c’est parce que cette satire globale multi-écrans n’ou­blie jamais de faire du cinéma : répliques, grandes scènes d’ac­teurs, docu­men­ta­tion réaliste (vrais logos, superbes images de la NASA), comique de situa­tion (les deux fils de Leonardo DiCa­prio qui le regardent), et maes­tria du montage.

Timothée Chalamet dans Don't look up.
Timo­thée Chala­met en skater grunge énamouré par Jenni­fer Lawence.

La fin du monde en bonne compa­gnie

Satire sans déma­go­gie des élites et du cynisme des vrais-faux experts qui nous gouvernent, il s’ap­puie sur le réalisme jubi­la­toire de ses acteurs pour rendre chaque instant crédible. Du coup de gueule mémo­rable de Leonardo DiCa­prio ne sachant plus comment se faire entendre de la vedette télé­vi­sée qui n’a que des yeux concu­pis­cents pour lui (Cate Blan­chett en pleine auto­dé­ri­sion), à l’ex­tra­or­di­naire Jenni­fer Lawrence, lanceuse d’alerte angois­sée et effa­rée qui vit les situa­tions rocam­bo­lesques toujours au premier degré, jusqu’à éveiller une touche de roman­tisme sincère chez un skater grunge fata­le­ment incarné par Timo­thée Chala­met.

Meryl Streep en Présidente des Etats-Unis dans Don't look up.
Meryl Streep en Prési­dente des Etats-Unis.

La grande folie d’après le géné­rique

Dispo­sant de tous les moyens et des plus grands acteurs pour satis­faire ses ambi­tions, Adam McCay pousse le délire jusqu’au bout en filmant litté­ra­le­ment la fin du monde, à la façon, explo­sive, du finale de Zabris­kie Point d’An­to­nioni. Il s’amuse même à filmer Meryl Streep, la « bombasse » de Prési­dente des Etats-Unis, 22 740 ans plus tard (!) sur une planète imagi­naire aux coutumes un peu parti­cu­lières en effet, pour enfin lui régler son compte. On peut faire un pamphlet écolo et être carnas­sier jusqu’au bout. Après The Power of the Dog de Jane Campion et La Main de Dieu de Paolo Sorren­tino, la produc­tion Netflix frappe une nouvelle fois très fort.

Déni cosmique d’Adam McKay (Don’t look up, EU, 2h25) avec Jenni­fer Lawrence, Leonardo Di Caprio, Meryl Streep, Cate Blan­chett, Mark Rylance, Rob Morgan, Timo­thée Chala­met… Actuel­le­ment sur Netflix.