C’est un film qui prend son temps, aussi bien pour décrire l’ar­ti­sa­nat des étoffes et du caftan, qu’un trio amou­reux pas comme les autres. C’est un film de toute beauté, soigné aussi bien pour filmer les conser­va­tismes de la société maro­caine que pour en saisir par petite touches les évolu­tions vers une éman­ci­pa­tion possible. Des femmes d’abord, à travers le superbe person­nage de Lubna Azabal en amou­reuse tenan­cière de la boutique comme de la maison. Des hommes ensuite, à travers l’ho­mo­sexua­lité étouf­fée de son mari, renvoyée aux dessous de porte du hammam, ayant trouvé un véri­table amour auprès de sa femme, le seul qu’il se soit auto­risé.

Saleh Bakri, extra­or­di­naire acteur, prix d’in­ter­pré­ta­tion au dernier festi­val d’An­gou­lême.

Le Bakri du Bleu du Caftan

Le dévoue­ment et la beauté natu­relle d’un nouvel apprenti Yous­sef (magni­fique Ayoub Missioui dans son premier rôle), vien­dront cares­ser ce quoti­dien sensuel resté trop bien rangé sur les étagères de la boutique. Sur un cane­vas de départ assez attendu (la femme malade d’un cancer laisse le champ libre à une nouvelle union nais­sante), Maryam Touzani compose un drame tout en atten­tions et déli­ca­tesse, jamais convenu, porté par trois comé­diens habi­tés.

Enfermé dans sa dignité, Saleh Bakri (prix d’in­ter­pré­ta­tion mérité à Angou­lême, déjà vu dans La Visite de la fanfare), dégage une inten­sité de héros de western, la mascu­li­nité faillie en sus. Jusque dans un plan de toute beauté du cime­tière de Casa­blanca, ce Bleu du Caftan de toute beauté aura su évoquer tout ensemble l’amour conju­gal, la mala­die, la permis­sion du désir, et filmer le respect comme première condi­tion senti­men­tale pour dépas­ser « la peur d’ai­mer« . Aussi rare que précieux.

Le Bleu du caftan de Maryam Touzani (Fr-Mar, 2h04) avec Saleh Bakri, Lubna Azabal, Ayoub Missioui… Sortie le 22 mars.